Fin de cavale pour Mokhtar Belmokhtar. Celui que l'on présente comme étant l'un des principaux représentants d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) au Sahel a été tué samedi par des soldats tchadiens dans le nord du Mali. L'annonce a été faite samedi soir le porte-parole de l'état-major des armées tchadiennes. «Ce samedi 2 mars 2013, à 12h, les forces armées tchadiennes en intervention au Mali (...) ont totalement détruit la principale base des djihadistes et narcoterroristes dans le massif de l'Adrar des Ifoghas», a déclaré le général Zacharia Gobongué à la télévision tchadienne. «Le bilan provisoire des combats s'établit comme suit : plusieurs terroristes tués, dont leur chef Mokhtar Belmokhtar, dit le Borgne, soixante véhicules en bon état de fonctionnement récupérés, divers matériels de guerre, notamment du matériel électronique, récupérés. Le ratissage se poursuit à la recherche des fugitifs», a-t-il encore précisé sur un ton optimiste. Lors de la présentation du bilan des opérations menées par leurs troupes, les autorités tchadiennes n'ont, toutefois, fourni aucune preuve de l'élimination de ce chef terroriste recherché depuis de nombreuses années en Algérie. C'est la raison pour laquelle l'opinion internationale a accueilli avec beaucoup de prudence l'annonce des autorités tchadiennes. Mais si cette information venait effectivement à se confirmer, N'Djamena aurait assurément réussi le pari difficile de décapiter AQMI au Sahel. Il pourrait s'agir, là aussi, d'une victoire décisive contre les groupes islamistes armés qui ont pendant longtemps dicté leur loi dans cette région. Cette victoire prouve à tout le moins que le terrorisme n'est pas une fatalité. Admiratifs, les médias internationaux et en particulier français n'ont d'ailleurs pas hésité, samedi, à présenter le Tchad comme étant le nouveau gendarme de l'Afrique de l'Ouest. En tout cas, ce statut est loin de déplaire au président tchadien Idriss Déby Itno, qui vient tout récemment de sauver son homologue centrafricain d'un coup d'Etat. Mokhtar Belmokhtar – condamné par contumace à la réclusion à perpétuité par la justice algérienne après le meurtre de 10 gardes-frontières algériens en 2007 – est, rappelle-t-on, le commanditaire de la prise d'otages du complexe gazier algérien de Tiguentourine en janvier dernier, au cours de laquelle une soixantaine de personnes, dont 37 otages étrangers, ont été tués. Il est la deuxième «grosse prise» que l'armée tchadienne réalise en l'espace d'une semaine puisque ses responsables avaient déjà assuré, jeudi, avoir neutralisé un autre chef islamiste, le sanguinaire Abdelhamid Abou Zeïd. D'après l'état-major des armées tchadiennes, celui-ci aurait également été tué la semaine dernière dans le massif montagneux de l'Adrar des Ifoghas. Le décès de Zeïd n'a pas été confirmé officiellement, notamment à Paris, mais d'après des sources maliennes, il fait partie de la quarantaine de rebelles tués il y a cinq jours dans ce massif, réputé inexpugnable, de l'extrême nord-est du Mali où les troupes françaises et leurs alliés tchadiens livrent des combats acharnés aux djihadistes. Confiée aux autorités algériennes, selon le quotidien El Khabar, l'identification ne serait pas encore terminée. Belmokhar, un pur produit de Abdullah Azzam Mokhtar Belmokhtar est né, pour sa part, à Ghardaïa, en Algérie, en 1972. Dans une interview diffusée en 2007 sur des sites islamistes, il affirmait s'être rendu en Afghanistan à l'âge de 19 ans pour y acquérir une formation et une expérience du combat. Selon la Jamestown Foundation, un centre de réflexion basé à Washington, l'engagement de Belmokhtar a été influencé par le religieux Abdullah Azzam, promoteur d'une interprétation armée et offensive de la notion de «djihad» et qui a aussi été le mentor d'Oussama Ben Laden. Revenu en Algérie en 1992, Belmokhtar a intégré aussitôt le Groupe islamique armé (GIA) avant de participer à la création du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui a élargi progressivement ses opérations dans différents pays du Sahel en y attaquant les forces de sécurité algériennes. Le GSPC a fait par la suite allégeance à Al Qaîda, devenant le représentant de la nébuleuse islamiste en Afrique du Nord sous l'appellation d'Al Qaîda au Maghreb islamique. Demeuré longtemps le bras droit de Abderazak El Para (aujourd'hui en prison) avant d'accéder au statut de chef, Mokhtar Belmokhtar a notamment fait du kidnapping d'Occidentaux un véritable business. C'est à la tête de la katiba baptisée «les enturbannés» qu'il fera ses plus grands coups. A ce propos, il est soupçonné d'implication dans l'enlèvement de 32 touristes européens en 2003, dans les négociations en 2008 pour la libération de deux Autrichiens et dans les négociations en 2009 pour la libération de deux Canadiens. Belmokhtar est réputé également pour être l'un des plus importants «gangsters djihadistes» du Sahara. Il s'est imposé dans la fourniture d'armes aux groupes islamistes de la région et dans le trafic de cigarettes, ce qui lui a valu le surnom de «Mister Marlboro». Ses diverses activités lui ont, par ailleurs, permis de nouer des liens étroits avec les communautés touareg, notamment avec les combattants qui ont participé, au printemps 2012, à l'offensive ayant abouti à la prise du nord du Mali. Bien qu'ayant maintenu son allégeance à Al Qaîda, Mokhtar Belmokhtar avait récemment pris ses distances vis-à-vis de Abdelmalek Droukdel, le chef d'AQMI. Celui-ci lui avait reproché son penchant trop prononcé pour les affaires. Se sentant marginalisé, il a fini par créer son propre groupe armé, «les signataires par le sang», un groupe à la tête duquel il n'aura finalement pas fait long feu.