La situation politique est pratiquement au point mort depuis le 6 février dernier, jour de l'assassinat de Chokri Belaïd, lorsque Hamadi Jebali avait annoncé son alternative de minigouvernement de technocrates. Tunisie De notre correspondant Depuis, Jebali a présenté la démission de son gouvernement le 19 février, mais Ali Laârayedh ne recevra l'aval de l'Assemblée nationale constituante que le 12 mars. Que de temps perdu pour les dossiers chauds touchant à la vie quotidienne de la population, comme le rétablissement de la sécurité et la lutte contre la hausse des prix, sans parler de la rédaction de la Constitution et l'établissement du calendrier électoral. Le pire, c'est que les masses laborieuses, notamment les jeunes, commencent à désespérer de voir se réaliser l'objectif de dignité qu'ils avaient espéré après le 14 janvier et le départ de Ben Ali. «Le chômage est toujours là. En plus, une inflation de la vie à un rythme jamais vu. Comment voulez-vous que l'on garde espoir ?», s'indigne Mounir, un jeune de 32 ans, travaillant dans un centre d'appels. Concernant ses attentes du gouvernement Laârayedh, ce jeune est clairvoyant : «La sécurité pour commencer et finir. Sans stabilité, rien ne peut se faire. Les investisseurs ne viennent pas. Il n'y aura pas de reprise économique. On ne peut même pas organiser d'élections, car la campagne électorale ne peut avoir lieu que dans la quiétude.» Hamadi Jebali avait, par ailleurs, reconnu son échec dans son discours d'adieu après plus d'une année de gouvernance. Il a passé le témoin à Laârayedh. Ce dernier a une obligation de résultat. Mais qu'attend le peuple de lui ? Les attentes des Tunisiens Une rupture est désormais consommée entre les masses populaires et leurs gouvernants, notamment dans les zones marginalisées. Pour preuve, les présidents Marzouki et Ben Jaâfar ont été chassés de Sidi Bouzid le 17 décembre 2012, lors de la commémoration du deuxième anniversaire de la révolution. Rached Ghannouchi a été, lui aussi, chassé de Thala le 3 mars dernier lorsqu'il s'est déplacé pour assister à l'enterrement du martyr Ahmed Rahmouni. De tels gestes signifient que le peuple accuse ses gouvernants d'être derrière le manque de résultats en matière de réalisation des objectifs de la révolution. Le nouveau chef du gouvernement doit travailler dur pour le rétablissement de la sécurité, principale préoccupation de tous les Tunisiens. Il doit également s'intéresser aux zones marginalisées afin de réaliser quelques projets pour faire face au chômage et à la pauvreté. «Le nouveau gouvernement a surtout pour mission de rétablir la confiance entre le peuple et sa classe politique en ouvrant une ère de transparence. Il faut dire la vérité au peuple, lui demander de faire des sacrifices. Il acceptera s'il est convaincu de vivre ultérieurement dans la prospérité», explique Mohamed Haddar, président de l'Association des économistes tunisiens. Sur le plan politique, Laârayedh est prisonnier des décisions de son parti Ennahda. Si l'Assemblée nationale constituante n'a pas avancé dans la rédaction de la Constitution, c'est parce qu'Ennahda n'a pas cherché à trouver un consensus. Rached Ghannouchi a pourtant toujours dit que «la Constitution doit contenir ce qui réunit le peuple, non ce qui le sépare, car elle doit être la référence durant des décennies». Mais en pratique, Ennahda a cherché à imposer plusieurs de ses concepts lors des débats à l'Assemblée, notamment en matière de régime politique (parlementaire) et de place de la religion (charia à petites doses). La question posée est : Ennahda va-t-il continuer sur la même voie ou essayer de trouver un consensus afin de terminer la rédaction de la Constitution et aller vers des élections ?