Les philosophes le savent, dans l'Etat comme dans l'univers, la vérité n'existe pas, seul compte le sens. Et dans le monde, c'est connu, la conduite des affaires de l'Etat ne s'accompagne pas forcément d'un amour immodéré pour la vérité. A fortiori, dans des pays similaires à l'Algérie, où les élections sont régulièrement truquées et donc le personnel politique pas vraiment là où il est sur des critères d'honnêteté, donc de franchise. Pour autant, en traitant publiquement des personnalités publiques de menteurs, Khalida Toumi joue-t-elle à Abdelaziz Bouteflika, ou au contraire, est-elle en train de réaliser que dans les cercles politiques, le mensonge est un procédé comme les autres ? On peut prêter à la ministre une certaine sincérité, eu égard à son style, sauf que ses accusations de mensonges viennent juste après celles de son chef. Cette nouvelle mode qu'a l'Etat d'accuser l'Etat de mensonge pose problème, au-delà de cette volonté de pureté très artificielle destinée à faire croire à un renouveau. D'abord parce qu'un mensonge, quand il est d'Etat, est une vérité et surtout une raison destinée en théorie à protéger le pays et sa population. Ensuite, dans la gestion étatique des promesses d'Etat, le mensonge fait partie de la gestion politique. Pourquoi aujourd'hui s'inquiéter du mensonge ? Parce que l'impasse du système est là, renvoyant à un célèbre paradoxe : quand un menteur dit qu'il dit la vérité, il ment. Mais quand il dit que les autres mentent, il ment, c'est-à-dire que cela signifie que les autres ne sont pas des menteurs. Après, le reste n'est que folklore, où l'Etat attaque l'Etat, Mme Toumi un wali et le Président ses propres ministres. L'Etat se ment à lui-même. Sauf que deux mensonges opposés qui s'affrontent deviennent une vérité. Une vérité d'Etat, mais une vérité quand même. D'où les applaudissements de la foule.