C'est dans une Algérie anesthésiée que le clan présidentiel avait, il y a cinq ans, fait passer comme une lettre à la poste la candidature – puis la réélection – de Bouteflika. Ce scénario, l'entourage du chef de l'Etat tente aujourd'hui de le rééditer mais en ignorant superbement que 2014 n'est pas 2009 et qu'entre-temps, le vent du Printemps arabe a soufflé sur l'Algérie épargnant, certes, «physiquement» le pouvoir mais développant la contestation dans tout le pays pour davantage de libertés et de justice sociale : galvanisée par la conviction que les régimes autoritaires et les autocrates ne sont plus invincibles, la population défie depuis 2010 les gouvernants, occupant quasi quotidiennement rues et places publiques, et systématisant les grèves pour un mieux-être social. La revendication politique, elle, s'est généralisée, les Algériens n'hésitant pas d'ailleurs à braver les interdits de marcher dans les grandes villes ou se réunir dans des salles. La peur de la répression a quasiment disparu de la société algérienne aspirant à d'autre chose que ce qu'elle a vécu dans le passé. Et puis quel bilan le régime peut-il avancer aujourd'hui pour la réélection de Bouteflika au vu de l'incroyable gabegie des ressources ? Des dizaines de milliards de dollars engloutis par la non-gouvernance et dans des affaires de corruption atteignant parfois des seuils inimaginables. Tiré de ressources rares, précieuses et en voie d'épuisement, l'argent du Trésor public est parti dans les poches d'intermédiaires de tout acabit, parfois une vorace progéniture, souvent des responsables disposant de comptes ouverts à l'étranger. Les affaires ayant affecté Sonatrach et l'autoroute Est-Ouest ne sont que la partie visible du grand scandale de la décennie 2000. Les dossiers lourds remonteront à la surface le jour où le pouvoir aura lâché les rênes du pays, et c'est certainement pour cela, pour différer le moment de vérité et le temps des comptes à rendre, que le régime tente de faire réélire pour la quatrième fois le président Bouteflika, le gardien et le protecteur du régime. Ce dernier a déjà commencé à avancer masqué, avant de faire sortir la grosse artillerie qui est l'implication carrément des structures de l'Etat et de tous les nouveaux partis politiques redevables de leur officialisation et soucieux de renvoyer l'ascenseur. Le régime distille subrepticement l'idée que Bouteflika «n'aime pas le pouvoir», mais que si la population «l'exige», il briguerait un autre mandat présidentiel. Cette thèse a circulé en 2009 à la veille du scrutin ayant abouti à sa réélection, manière une nouvelle fois d'accoler à l'image du chef de l'Etat celle d'un homme providentiel, exceptionnel, un leader que l'Algérie a eu la chance d'avoir et qu'elle a intérêt à garder. Une grosse ficelle qui ne tient plus au vu du bilan global de la gestion du pays et, bien entendu, de l'incapacité physique de Bouteflika à «tenir» encore cinq années de règne dans un pays où les problèmes seront multipliés par dix et les ressources diminuées de moitié. Le tout dans un environnement régional et international de plus en plus dur qui ne fera aucun cadeau à l'Algérie. Des voix commencent d'ores et déjà à s'élever contre ce grand danger d'un quatrième mandat de Bouteflika. Tout Algérien soucieux de l'avenir de ses enfants devra joindre sa voix à tout front du refus de cette hérésie.