L'hospitalisation du Président Abdelaziz Bouteflika au Val-de-Grâce, qui intervient dans un contexte de tension diplomatique entre Alger et Paris, a apporté de l'eau au moulin de la droite et de l'extrême droite françaises. C'est, en effet, peu dire que l'Algérie et son chef de l'Etat sont attendus au tournant depuis que ce dernier a parlé du « génocide identitaire provoqué par la colonisation française ». Il est évident que Jean-Marie Le Pen et autres nostalgiques de l'Algérie française ne ratent pas une si belle occasion pour tenir des propos racistes et extrêmement exécrables à l'encontre de l'Algérie, Etat et nation. Fidèle à ses diatribes anti-algériennes - c'est son registre naturel -, Le Pen, président du Front national, a qualifié de « scandaleux » le fait que Bouteflika « se permette de dire publiquement cela et le lendemain d'être chez nous pour se faire soigner ». S'écartant de toute logique politique et de la réflexion intellectuelle, le dirigeant de l'extrême droite est allé jusqu'à exiger de Bouteflika des excuses officielle. L'avis de cet ancien tortionnaire - Le Pen fut lieutenant pendant la guerre d'Algérie - est également partagé par Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (droite nationaliste), qui a dénoncé « la lâcheté du gouvernement français qui se couche devant les propos haineux et insultants de celui dont les contribuables français ont financé les soins cet hiver ». Dans un tel déchaînement de délires et de surenchères, c'est la dignité de tout un peuple qui se trouve bafouée, traînée dans la boue. L'Algérie n'a-t-elle pas encore réglé la facture de la première hospitalisation de Bouteflika ? C'est peu probable, d'autant plus que l'Algérie, avec son matelas financier, peut hospitaliser, au Val-de-Grâce, ses 30 millions d'habitants ! Guillaume Peltier, n° 2 du même mouvement (MPF), abonde dans le même sens : « C'est un véritable scandale qu'un homme qui, dans un premier temps, nous crache dessus vienne, dans un deuxième temps, se faire soigner en France aux frais des contribuables français. » Les députés de la droite épousent, à quelques différences près, les propos tenus par l'extrême droite française. « Au moment où le besoin de réconciliation entre la France et l'Algérie est si nécessaire, l'attitude du Président Bouteflika, qui insulte la France le matin et vient s'y faire soigner l'après-midi, est indécente », a souligné Nicolas Dupont-Aignan, député UMP et président du club Debout la République qui a, par ailleurs, qualifié de « faiblesse le silence du gouvernement français ». Lionnel Luca, un député des Alpes maritimes appartenant à l'Union pour la majorité présidentielle (UMP), a estimé qu'il est « particulièrement indécent que celui qui est un multirécidiviste de l'insulte à l'égard de la France vienne une nouvelle fois se faire soigner chez l'ancien colonisateur responsable d'un ‘'génocide identitaire'' ». Sans retenue aucune, ce député de la droite au pouvoir a déclaré qu'il « n'est pas normal que la France accepte cette venue ». Plus loin, Luca a fait une lecture extrêmement simpliste à tout point de vue. « Sur le plan intérieur, a-t-il dit, Bouteflika veut donner des gages aux islamistes qu'ils vient d'amnistier et sur le plan extérieur il cherche à jeter un écran de fumée pour masquer un rapprochement avec les milieux d'affaires américains. » A l'évidence pris par une fièvre ségrégationniste, Bernard Debré, député et professeur de médecine, a déclaré « ressentir une très grande fierté pour la médecine française et de la tristesse pour la médecine algérienne (...) Après nous avoir copieusement injuriés, il vient nous demander de l'aider ». Et la dignité nationale dans tout cela ? Au risque de faire le jeu des extrémistes français, l'on s'interroge sur les raisons qui ont poussé le Président, ou ses proches conseillers, à opter, en si mauvais moment, pour un séjour médical en France. La fierté algérienne veut qu'on ne demande pas le soir un comprimé de pénicilline au voisin avec qui on s'est chamaillé le matin !