Le président a adressé un message de remerciements au chef de l'Etat français et au personnel du Val-de-Grâce. Le président Abdelaziz Bouteflika rentre au bercail après six jours d'absence. Il a regagné, hier matin, l'Algérie après une hospitalisation controversée à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris. Le chef de l'Etat y a effectué des examens postopératoires dont les résultats ont été déclarés “très satisfaisants”. Ce contrôle “prévu de longue date”, selon la présidence de la République, faisait suite à son hospitalisation fin 2005 déjà au Val-de-Grâce où il avait été opéré d'“un ulcère hémorragique au niveau de l'estomac”. Selon nos sources, M. Bouteflika est revenu à Alger en provenance de Genève où il s'était rendu après sa sortie de l'hôpital du Val-de-Grâce. Le chef de l'Etat, sensible sans doute au charivari qui a entouré son séjour parisien, a préféré quitter la France en direction du territoire helvétique pour “se reposer”. Une convalescence qui ne dit pas son nom, précisent nos sources, même si officiellement rien n'a filtré à ce sujet. Peu de temps avant l'annonce de son arrivée à Alger, l'agence de presse APS a diffusé un message du président Bouteflika à son homologue français, Jacques Chirac, dans lequel il l'a remercié pour la “qualité de l'accueil” dont il a bénéficié et les “égards particuliers” dont il a fait l'objet lors de son séjour à Paris. “Je voudrais (...) vous dire combien j'ai été sensible aux témoignages que j'ai reçus de la part de tous ceux qui, en France, sont restés fidèles à la vieille tradition d'hospitalité du peuple français”, écrit M. Bouteflika dans ce message. Une allusion apparente à la polémique qu'a suscitée ce nouveau séjour du Président à Paris, en pleine période de turbulences entre la France et l'Algérie. Dans son message, M. Bouteflika a également demandé à M. Chirac de transmettre ses remerciements au corps médical de l'hôpital du Val-de-Grâce qui “a manifesté, de bout en bout, une compétence reconnue et un dévouement exemplaire”. Cette déclaration signifie-t-elle que le président Bouteflika a décidé désormais de ne plus se faire soigner par des médecins français ? L'avenir nous le dira. Une chose est sûre, l'hospitalisation de Abdelaziz Bouteflika a ravivé la polémique entre Alger et Paris sur la colonisation, un conflit qui bloque toujours la conclusion d'un traité d'amitié entre les deux pays. Cette polémique a pris de l'ampleur à l'occasion du séjour du président Bouteflika à Paris, survenu peu après qu'il eut dénoncé à Constantine, lors d'une visite la semaine dernière, “un génocide de l'identité algérienne” par la France durant la période coloniale. L'annonce de son hospitalisation à Paris avait déclenché des réactions courroucées de députés de la droite et de l'extrême droite françaises, notamment du chef de file de ce courant, le président du Front national, Jean-Marie Le Pen. Ce dernier avait jugé “scandaleux” que M. Bouteflika vienne se faire soigner en France après ses déclarations peu avenantes de Constantine. Le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, qui avait effectué un voyage infructueux à Alger en avril, a pour sa part appelé le président algérien à ne pas “galvauder” le terme “génocide”. Si certains avaient estimé que M. Douste-Blazy avait pris le relais des responsables politiques français, d'autres en revanche croient savoir que la réaction du Quai d'Orsay ne vise ni plus ni moins qu'à couper l'herbe sous le pied de l'extrême droite qui escomptait tirer profit de la controverse suscitée par le séjour de Bouteflika à Paris. En vérité, la sortie de Douste-Blazy est beaucoup plus motivée par des considérations relevant de la politique interne de la France. Le Quai d'Orsay fut contraint de dire la même chose ou presque que Le Pen, histoire de ne pas laisser à la seule extrême droite le dossier sensible des relations algéro-françaises et, partant, le rôle de défenseur de la fierté et de l'honneur de la France. Il faut dire que cette turbulence entre Alger et Paris a donné lieu à des maladresses de part et d'autre. Pour des observateurs algériens, la France a assurément d'autres atouts historiques et civilisationnels à faire valoir que son passé d'Etat colonialiste. La France, patrie de Jean-Jacques Rousseau, de Victor Hugo, pour ne citer que deux monstres de la culture française, un pays souvent qualifié de berceau des droits de l'Homme, aurait dû faire l'économie d'une controverse qui a fait retarder la signature d'un traité d'amitié, lequel devait sceller la refondation des relations entre Alger et Paris. De l'autre côté de la Méditerranée, on estime que l'Algérie aurait pu se satisfaire de l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, mentionnant le “rôle positif” de la colonisation pour s'atteler à construire une relation “privilégiée” avec la France, comme souhaitée par les deux chefs d'Etat. Le président de l'Assemblée nationale française, Jean-Louis Debré, s'était en effet interrogé dimanche dernier devant le grand jury RTL-Le Figaro-LCI : “Est-ce que la France peut se passer d'une coopération avec l'Algérie ? Est-ce l'Algérie peut se passer d'une coopération avec la France ?” De ce côté-ci de la Méditerranée, Ahmed Ouyahia, qui s'exprimait certes en sa qualité de chef du RND, mais qui reste néanmoins le Chef du gouvernement algérien, avait indiqué le 15 avril dernier au Forum de l'Entv qu'il était hors de question d'aller vers une crise avec la France pour la simple raison que le traité d'amitié, dont la signature était prévue en 2005, n'est pas encore une réalité. Les relations franco-italiennes, franco-portugaises ou franco-espagnoles connaissent-elles une crise parce qu'il n'existe pas de traité d'amitié entre la France avec chacun de ces pays ? La France a-t-elle signé un traité d'amitié avec le Maroc ou la Tunisie ? Est-ce pour autant qu'il existe une crise entre la France et ces pays ? s'était interrogé Ouyahia qui a appelé à plus de circonspection dans le traitement médiatique de ce dossier. Cela montre que l'avenir des relations algéro-françaises n'est pas compromis pour peu que, d'un côté comme de l'autre, l'on fasse l'effort de “déconnecter” les rapports entre les deux Etats des conjonctures politiques ou économiques spécifiques que peuvent connaître Paris ou Alger. Depuis toujours, en effet, la situation politique interne de chacun des deux pays a déteint, souvent négativement, sur les relations entre les deux pays. Rafik Benkaci