La plus grande organisation patronale italienne, Confindustria, qui regroupe 148 000 entreprises, soit 5,45 millions de salariés, lorgne de plus en plus les riches pays arabes. Face à la crise européenne, à l'absence de croissance et à la chute de la consommation, cette puissante confédération industrielle met les bouchées doubles pour exporter le savoir-faire italien. Son directeur général adjoint et responsable des relations internationales, Daniel Kraus, a bien voulu nous illustrer les objectifs du forum économique sur «Les opportunités d'investissement en Algérie» qui se tiendra, aujourd'hui, au siège de Confindustria. -On assiste à une multiplication des rencontres entre entrepreneurs italiens et opérateurs économiques algériens. Est-ce un regain d'intérêt pour le marché algérien ? Ce forum succède à d'autres qui l'ont précédé, comme le séminaire tenu fin janvier ou le lancement d'un projet de coopération dans le secteur du tourisme, élaboré par notre Scuola di Sistema (institut de formation de Confindustria) au profit de l'Ecole nationale supérieure du tourisme d'Alger, qui est en phase de définition ces jours-ci. On peut citer également les missions d'entrepreneurs algériens que notre système associatif accueille pour informer nos entreprises sur les opportunités qui émergent sur le marché algérien, porteur de grandes potentialités. -Pendant trop longtemps, l'Agence pour l'assurance du crédit à l'exportation (SACE) a confiné l'Algérie dans la catégorie des pays à haut risque pour l'investissement. Qu'en est-il à présent ? La SACE a promu, depuis, l'Algérie à une meilleure catégorie au vu de l'amélioration de la situation dans le pays. Ce n'est plus une destination à haut risque et elle deviendra bientôt à bas risque. La SACE, comme d'autres agences pour l'assurance à l'investissement, par exemple la Coface française, surévaluent le risque réel. En Algérie, le terrorisme ne représente plus un danger pour nos entreprises et pour leurs investissements sur place. Le marché algérien demeure «appétissant» et nos entreprises ne s'attardent pas trop sur la situation politique d'un pays, mais regardent plutôt si les conditions d'investissement pour les secteurs prioritaires sont réunies ou pas, si leurs projets généreront des bénéfices et si le pays offre des mesures incitatives. -Par conséquent, comment les hommes d'affaires italiens voient-ils à présent l'Algérie ? Tout d'abord, il faut dire qu'ils ont compris que le gouvernement algérien a lancé un important processus de développement de l'économie, consentant des efforts significatifs pour promouvoir la création de petites et moyennes entreprises à caractère local. Nos entrepreneurs y voient l'occasion précieuse pour développer un partenariat et y placer des investissements qui vont aller croissants dans les prochaines années. Bien sûr, certains secteurs sont plus convoités que d'autres par nos opérateurs. -Quels sont ces secteurs qui attirent plus que les autres les entrepreneurs italiens ? Le secteur du bâtiment, ceux des technologies, des énergies renouvelables, de «l'économie verte» et enfin du tourisme. Mais les entrepreneurs italiens comptent surtout saisir l'offre algérienne invitant à promouvoir un transfert de savoir-faire aux PME locales. On va examiner ces potentialités lors du forum pour décider comment rendre profitable notre expérience à nos partenaires algériens. Tous ces secteurs sont susceptibles de drainer des investissements considérables dans un marché en forte expansion. Enfin, n'oublions pas le vaste domaine des hydrocarbures. -Justement, le scandale ENI-Saipem risque-t-il de freiner les affaires entre les deux pays ? J'espère que non. Une enquête judiciaire est en cours et les faits rapportés n'ont pas encore été prouvés. Jusqu'à preuve du contraire, rien n'a encore été établi. Ces informations ne sauraient influer sur les rapports bilatéraux et sur notre partenariat avec l'Algérie. C'est un faux problème. Dans le domaine que nous explorons, celui de la collaboration entre entreprises, ces événements restent sans incidence aucune. -Face à la crise en Europe et au spectre de la récession, les pays arabes producteurs d'hydrocarbures deviennent des clients rêvés. Quelle place accordez-vous à l'Algérie dans ce grand marché ? En Afrique du Nord, l'Algérie représente pour nous un partenaire central. C'est désormais le seul pays où il y a une stabilité relative. En Libye, la situation politique n'est pas très claire et en Egypte on n'a plus aucune certitude. Donc, l'Algérie (et le Maroc en deuxième position) sont des pays qui intéressent beaucoup nos entrepreneurs. Avec l'Algérie, nous avons, depuis des années, instauré un partenariat solide et nous comptons construire des rapports durables. -Quels sont les atouts des entreprises italiennes par rapport aux autres concurrents ? Le marché algérien se caractérise par un riche tissu d'entreprises locales qui n'est pas encore très développé. Dans ce domaine, nos entreprises peuvent représenter le partenaire idéal pour exporter leur savoir-faire et le fructifier en Algérie. C'est notre particularité comme partenaire méditerranéen, voisin de ce pays. Nous sommes disposés à céder ce savoir-faire pour développer les entreprises locales. Ce marché de PME peut conjuguer nos efforts pour un échange paritaire, surtout que notre économie est basée sur ce système. Cela pourrait devenir un investissement à long terme sur le territoire. Ensuite, nous possédons l'innovation des produits, la tradition du design. La conception esthétique conjuguée à une bonne qualité, notre label incontestable, comme on dit en italien «bello, ben fatto». Par exemple, contrairement à l'Allemagne, nous ne fabriquons pas beaucoup de produits de très haute technologie, mais nous avons compris que les pays du Sud veulent non pas une technologie très pointue, mais une technologie utile, facilement applicable et gérable. Nous avons un avantage sur les Allemands dans ce sens. -Plus concrètement, est-il prévu la signature d'accords bilatéraux pour la réalisation de ces projets, à la conclusion du forum ? Nous nous pencherons sur l'étude de projets visant à créer des réseaux d'entreprises sur le modèle italien, c'est-à-dire la possibilité de regrouper des PME ayant des objectifs communs pour conquérir les marchés voisins. Au-delà du produit, c'est l'organisation de ce tissu d'entreprises qui fera l'objet de projets concrets. Ne m'en voulez pas, je ne peux anticiper sur les décisions qui seront prises à l'issue de la rencontre. -L'Italie est encore sans gouvernement ; votre organisation a tiré la sonnette d'alarme sur le risque d'une récession aggravée. Cela aura-t-il des répercussions sur les investissements étrangers ? Les décisions des entreprises concernant leurs investissements dans un pays donné n'ont rien à voir avec la stabilité de nos gouvernements. Ce sont des choix souverains. C'est le marché qui décide. Nous sommes, certes, dans une situation politique difficile pour le marché interne, mais paradoxalement, cela pousse nos hommes d'affaires à vouloir investir dans les marchés hors de l'Europe. L'Algérie a l'avantage d'être géographiquement proche de l'Italie, elle se trouve de l'autre côté de la Méditerranée. Le fait qu'en Europe la croissance soit très faible incite nos entreprises à exporter leurs produits et services. Cette phase peut aider à consolider les rapports avec les pays nord-africains qui appellent les investissements étrangers, comme le vôtre.