C'est un représentant de la Confédération générale des industriels italiens très enthousiaste à propos de la mission qu'il s'apprête à effectuer en Algérie que nous avons rencontré au siège de la Confédération générale des industriels italiens à Rome. Carlo Calenda, directeur du département des affaires internationales à Confindustria, nous avoue avoir perçu, dès sa première visite en Algérie, au début du millénaire, en compagnie du vice-ministre des Activités productives, Adolfo Urso, « l'importance stratégique que revêt le marché algérien pour l'Italie ». Cette conviction, le responsable de Confindustria a pu la conforter, en novembre 2005, lors de la visite officielle du ministre des Affaires étrangères italien de l'ancien gouvernement de droite, Gianfranco Fini, en Algérie. Vous avez dépêché une délégation très nourrie d'entrepreneurs à Alger dans le cadre de ce que vous avez appelé une « mission de système ». Quels objectifs Confindustria s'est-elle fixés ? Cela fait six mois que Confindustria prépare cette mission, que nous considérons importante et délicate. Notre président Luca Codero Di Montezemolo œuvre depuis des années à intensifier nos activités commerciales et industrielles dans la région de l'Afrique du Nord et nous considérons l'Algérie comme le marché à plus fort potentiel à même de recueillir nos investissements dans la région. Pour en convaincre les entreprises italiennes, nous avons animé une série de séminaires d'information à travers la péninsule, laissant aux entrepreneurs le libre arbitre pour juger s'il était profitable à leurs affaires de faire le voyage à Alger ou pas. Je dois dire que l'adhésion que nous avons enregistrée a dépassé nos espérances. Nous avons inscrit dans notre délégation, entre les exposants à la foire d'Alger et les participants au forum économique, presque 300 entreprises. Démarche unique, je crois, pour un pays européen. Il faut souligner que ce genre de mission est appelé « mission de système » parce qu'elle implique aussi bien des opérateurs du secteur privé que public et surtout des décideurs du gouvernement et d'organismes débiteurs de crédits et d'assurances à l'exportation et à l'investissement comme la Sace et la Simest, tous deux participent à la mission. Pour vous donner une idée sur le caractère exceptionnel de ce genre d'initiative, sachez que Confindustria en effectue trois, au maximum quatre l'an, orientés vers des pays méticuleusement ciblés et considérés des marchés vraiment prioritaires. Effectivement, la présence de la Sace (Société d'assurances des crédits à l'exportation), de la Simest (Société de financement des entreprises d'exportation et d'investissement à l'étranger) et de l'Association des banques italiennes donne à cette mission un caractère plus pragmatique... Absolument. J'insiste pour dire que notre présence à Alger n'est pas une visite d'inspection. L'Algérie ne doit pas encore faire ses preuves et charmer nos entrepreneurs. Nous sommes déjà persuadés des potentialités qu'offre l'économie algérienne. En effet, le groupe de travail se compose d'une douzaine de banques, d'institutions publiques, de représentant du gouvernement, de l'Institut du commerce extérieur (ICE) et des dirigeants d'entreprises privées, c'est une mission de l'Etat et du privé. L'Algérie est déjà présente dans le radar de Confindustria concernant les investissements productifs des entreprises italiennes. Concrètement, quel sera le rôle de chaque participant pour faire de cette mission un succès ? Cette mission se compose de quatre étapes. La plus concrète, si on veut, est celle qu'on appelle « business to business ». Il s'agit d'organiser des rencontres entre les entrepreneurs italiens et leurs homologues algériens. On en a organisé plus de 1000 dans cet esprit de confrontation fructueuse et c'est l'issue de cette dernière qui déterminera le succès ou l'insuccès de cette mission. C'est l'aspect le plus important. Ensuite, il s'agit d'animer les séminaires sectoriels, qui sont très spécifiques et destinés plus à l'investissement qu'au commerce. Enfin, le forum économique durant lequel les chefs de la délégation exposent aux participants les raisons qui rendent l'investissement en Algérie si attractif. Quels sont les secteurs économiques qui tentent fortement les investisseurs italiens ? Le partenariat avec l'Algérie est particulièrement intersectoriel, car il touche aussi bien le bâtiment, le tourisme, l'agroalimentaire, le textile... C'est ce qui suscite un intérêt si vaste. De plus, l'Italie veut exercer son potentiel de pays avec une grande habileté de gestion des entreprises manufacturières. Bien sûr, on veut lancer une série d'investissements dans ce domaine, car cela paye parfaitement à long terme. Par ailleurs, il y a beaucoup d'opportunités à saisir dans le cadre du processus de privatisation. Mais qu'il s'agisse de relever des entreprises déjà existantes ou de démarrer un investissement nouveau à partir de rien (investissement Greenfield), les paramètres incitatifs existent déjà en Algérie. Quels sont-ils et quels sont ceux qui pourraient, par contre, ralentir cet engouement de vos entreprises ? Les trois éléments qui font sans nul doute de l'Algérie un pôle d'investissement très attractif dans la région, c'est d'abord le voisinage géographique, le coût énergétique bas, la main-d'œuvre moins coûteuse qu'en Italie et la disponibilité d'infrastructures significatives. Et là où elles sont inexistantes, il y a un plan pour leur construction. L'une des raisons qui nous ont frappés à Confindustria et convaincus d'investir en Algérie, c'est la décision du gouvernement algérien de mettre en œuvre un programme de construction d'infrastructures extrêmement ambitieux. On parle d'un budget destiné à cette opération qui atteint 20 milliards de dollars. C'est énorme ! C'est un signal très fort pour nous, car cela dénote de la lucidité des autorités et du choix sage et intelligent des décideurs algériens. Car les investisseurs reconnaissent à cela une politique économique responsable et programmée sur le long terme. Cela signifie que l'Algérie investit pour son futur en réinvestissant les entrées financières réalisées grâce à l'exportation d'hydrocarbures dans la construction de nouvelles infrastructures et la modernisation de celles déjà existantes. Les sociétés italiennes voient cela comme une grande opportunité, surtout qu'elles sont très compétentes dans le domaine de la construction d'aéroports, de ports et des infrastructures qui vont avec. Le forage de tunnels, de galeries, de travaux de métros… Dans l'équipement ferroviaire technologique et la pose de voies ferrées, nous sommes aussi très performants, d'ailleurs une société publique, Italfer, fait partie de la délégation. Concernant l'administration publique, je crois que l'Algérie a encore un petit bout de chemin à faire pour simplifier les procédures bureaucratiques qui permettent à un investisseur italien d'ouvrir une usine ou de fonder une société mixte avec un patron algérien. Car, effectivement, les tracasseries administratives peuvent décourager les investisseurs, car si les grandes multinationales s'adressent à une armada de conseillers légaux pour se dépêtrer des formalités bureaucratiques, les PME n'ont pas cet instrument et jettent facilement l'éponge devant les difficultés de la bureaucratie. Il faut dire que nos entrepreneurs sont bien entraînés avec la bureaucratie italienne et s'en lamentent assez, et s'ils vont investir à l'étranger, ils espèrent y trouver une situation plus facile. Soyons optimistes et croisons les doigts... Sans nul doute. Dans chaque marché où on est allés ces dernières années, l'export italien croît plus que la moyenne européenne, et plus que celui réalisé par la France ou l'Allemagne dans les mêmes pays. L'export français dan la région Méditerranée connaît une baisse de 9,5%, alors que le nôtre a réalisé une hausse de 7,5% . Nous avons toutes les possibilités de réussir en Algérie. Pour nous, l'internationalisation veut dire l'intégration de l'économie. Investir de manière productive afin de demeurer pionnier sur le marché du tourisme, des équipements logistiques et de la construction des infrastructures, etc. Le fait que nous guidons toutes ces entreprises à Alger veut dire que nous avons déjà étudié la possibilité d'investir en Algérie et non pas qu'on doit repartir de zéro. On ne doit pas mettre à l'épreuve l'Algérie. Nous considérons l'Algérie déjà prête à recevoir notre investissement, sinon nous ne serions pas là. Pour nous, l'Algérie est un pays prioritaire, en témoigne cette mission énorme. C'est une opportunité pour les deux pays. Pour nos entreprises et pour l'Algérie. Il faut aussi tenir présente la dimension de l'investissement, c'est-à-dire en partnership. On apporte un know-how et les PME sont moins invasives et bouleversent moins la réalité sociale où elles s'installent. On a commencé par se dire que le marché à plus fort potentiel dans la région était sans doute l'Algérie ; allons voir de plus près la situation. Avec deux missions techniques et deux politiques, le gouvernement italien a été fixé. L'Italie, dans son ensemble, est en train de faire des projets en Algérie, également à cause des échanges sur le marché énergétique, qui restent très significatifs. Il y a les conditions d'investir en Algérie et notre organisation veut donner la poussée initiale. Confindustria ouvre la route et les entreprises suivront.