L'écrivaine tunisienne Fawzia Zouari dresse une fresque exubérante avec La Retournée. Elle donne à voir une Tunisie sulfureuse, rebelle. Avec un rare courage, Fawzia Zouari décrit un univers déchiré entre la modernité et la soumission. L'exil n'est pas seulement lié à son pays d'origine. Le titre du livre, La Retournée, ne va pas sans rappeler La répudiée de Rachid Boudjedra. C'est peut-être une suite d'une même histoire écrite par deux écrivains très différents, à la plume alerte, acerbe. Fawzia Zouari, Tunisienne installée en France, porte un regard amusé, sévère, ironique, amoureux sur son pays. L'angélisme n'est pas de rigueur. Dans La Retournée, elle évoque les exils, l'intrusion effrénée des traditions dans la modernité. A la recherche du pays perdu. En apprenant la mort de sa mère, Rym décide de retourner dans son village après quinze ans d'absence. Le temps s'était arrêté. Les habitants sont encore prisonniers de leur mémoire. Ils n'ont pas oublié qu'elle s'est enfouie, quand elle avait dix-huit ans à peine, avec un coopérant français. Pour eux, elle a trahi les siens en épousant un chrétien. Elle s'est retournée contre eux provoqué la maladie de sa mère. Pour corser le tout, son arrivée tombe pendant les préparatifs de la venue du président. Quand on sait que cela se déroule dans la Tunisie profonde, on mesure toute l'effervescence qui s'est emparée de la région. Les aventures de Rym et de sa fille Lila, la fille du roumi, éclipsent auprès des habitants Dallas, leur feuilleton favori. A elle seule, Rym est JR, Sue Ellen et toute la famille Ewing. Et même les Barnes. Il faut dire que Rym n'est pas femme à se laisser faire. Elle est un volcan en fusion. Sa rébellion est contagieuse. Dans une société terrassée par les traditions et la police aux ordres, son courage passe pour un défi. Avant l'arrivée du président, des équipes arrivent de la capitale pour nettoyer le bourg de ses déchets et surtout de ses hôtes indésirables. Une Tunisie saine pour un despote éclairé. Seulement, le spectacle n'est pas celui attendu. Les villageois se sont mués en acteurs. Fawzia Zouari ne sombre pas dans l'ego, fuit le langage ampoulé pour donner à son écriture une nervosité libératrice. Elle se moque des défis des jeunes Arabes, perdus dans la modernité. Se rit des tergiversations des modernistes au regard tourné obstinément vers le passé. Et nous dit que son pays est là où l'on se sent le mieux. La Retournée, Fawzia Zouari, Ramsay, Paris