Ces lieux de misère qui existent depuis l'époque coloniale, abritent même des personnes qui gardent à ce jour leur carte d'électeur de ce temps-là. Bouabbaz, le plus vieux bidonville de Skikda, a de tout temps rimé avec misère, disgrâce et malvie. Il a même été utilisé, souvent péjorativement, pour stigmatiser les gens qui y habitent et leur manière de survivre dans un milieu hostile et empli d'indigence. La misère de Bouabbaz a aussi servi de tremplin politicien à des figures locales, voire nationales. Abdellah Djaballah qui y a passé sa jeunesse usera de la misère ambiante pour se tailler un habit de prédicateur qui le propulsera par la suite vers les cimes d'Alger, très loin des pauvres gens qui, eux, continuent encore de nourrir le rêve de quitter un jour ces maudits lieux. Avec El Match, l'autre grand bidonville, Bouabbaz reste l'une des taches noires à graver dans la mémoire de Skikda, des Skikdis et de toutes leurs campagnes électorales. Perché sur le mont Mouader qui domine le flanc Est de Skikda, le bidonville et contrairement à ce qu'on tente de véhiculer, ne date pas d'aujourd'hui. Son histoire remonte très loin dans le temps. «Beaucoup de vieux habitants des lieux gardent à ce jour leur carte d'électeur du temps de la colonisation ce qui prouve qu'ils y ont de tout temps habité» témoigne Hamra-Krouha Chérif, président de l'association de Bouabbaz, façade maritime. «D'autres disposent même de récépissés des droits qu'ils versaient à d'anciens colons pour ériger leurs gourbis de fortune moyennant quelques anciens francs», ajoute-il. La colère qui couvait à Bouabbaz a fini, donc, par se faire entendre, aidée il est vrai par l'ambiance revendicatrice qui a secoué le pays ces derniers mois. Sans passer à la casse, les habitants, du moins une bonne partie, ont ainsi décidé de faire porter leur doléances en tenant des sit-in devant le siège de la wilaya. Pourquoi? «Parce qu'on ne veut plus vivre les mêmes leurres. On sait qu'il y a plus de 600 logements sociaux qui seront incessamment réceptionnés et on voudrait qu'ils servent uniquement à reloger ceux qui le méritent», expliquent les manifestants. Cette colère, nourrie quelque part, a été attisée par un des bribes et des chuchotements, qui ont fini par pousser les habitants de Bouabbaz à occuper l'asphalte afin de se faire entendre et de défendre leur droit au logement in situ. L'espoir enfin permis pour Bouabbaz ? «Après les deux sit-in, une délégation composée de deux hommes âgés et de deux associations représentant les habitants du grand Bouabbaz a été reçue par le wali. On a eu à discuter de notre situation et nous avons été agréablement surpris par la disponibilité du wali à nous aider. On n'a pas à avoir honte de le dire, ce wali mérite qu'on lui apporte toute l'aide et tout le soutien pour ce qu'il est en train de faire», assure le président de l'association du flanc marin de Bouabbaz. Selon ses dires, le wali a informé les représentants des habitants qu'un nouveau programme de 800 logements RHP devrait voir le jour à Bouabbaz. «Il nous a même fait savoir que l'entreprise qui a aura à réaliser ce programme est déjà désignée», ajout-il. Au sujet des fameux 620 logements pratiquement achevés, le président de l'association dira que le wali leur a fait comprendre que leur attribution se fera avant la fin du mois de novembre prochain, le temps de parachever les VRD. Un travail qui nécessitera la libération d'une assiette actuellement occupée par 48 familles qui seront incessamment relogées. «Il (le wali) a été clair en insistant sur l'importance des enquêtes à mener pour que ces logements reviennent exclusivement à ceux qui le méritent que ce soit les demandeurs de Bouabbaz, de Hocine Louzat ou ceux du Lac des oiseaux. Nous allons nous aussi contribuer dans cette démarche pour faire barrage aux opportunistes», rapporte notre interlocuteur. Au sujet des réactions des citoyens suite à cette rencontre, le président de l'association, même s'il reconnaît qu'une partie n'a pas caché ses appréhensions, estime que la majorité des habitants a été convaincue. Puisse Skikda se défaire enfin d'une tache qui a si longtemps caractérisé son paysage urbain !