Malgré près de 23 ans d'expérience, la presse privée et indépendante n'a pas encore atteint les objectif escomptés en matière d'ouverture et d'accès à l'information et dans son processus de professionnalisation», estime Ali Djerri, ancien PDG du groupe El Khabar et ex-responsable d'une chaîne de télévision privée algérienne, lors de son intervention hier au forum d'El Khabar consacré au thème : «Etat des lieux de la communication dans la Méditerranée». Même si le panorama médiatique algérien compte plus de 100 titres, les difficultés d'accès à l'information font que ces derniers partagent les mêmes analyses, les mêmes informations et les mêmes soucis. «Il n'y a aucune évolution depuis l'ouverture du champ médiatique en Algérie, hormis le lancement de quelques chaînes de télévision privées», estime M. Djerri qui s'exprimait devant les étudiants de l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information (ENSJSI). Le projet d'ouverture de l'audiovisuel ne présagerait pas de meilleures conditions d'évolution pour ces chaînes, à en croire M. Djerri qui se réfère aux dispositions du cahier des charges régissant cette activité qui «limite» la liberté de production et impose le choix des programmes, en fixant le taux de ceux produits localement et n'autorise que 20% de programmes importés, explique le conférencier. Même l'autorité de régulation prévue dans le même cadre «est un prolongement de l'administration», selon l'invité d'El Khabar. On aura dès lors affaire «à une autorité de discipline plutôt qu'à une instance de régulation», indique l'ex-PDG d'El Khabar. Zoubir Souissi, président du Conseil de l'éthique et de la déontologie, estime que la presse algérienne, qui a joué son rôle de défense des acquis démocratique d'Octobre 1988, est actuellement dans une situation «catastrophique». «Les journalistes se prennent souvent pour des hommes politiques, les titres de journaux sont nombreux et leurs contenus se ressemblent», constate M. Souissi qui fait remarquer qu'après le verrouillage médiatique longtemps exercé par les pouvoirs publics, les journaux sont aujourd'hui sous le diktat des annonceurs. Ce sont, selon le conférencier, des dysfonctionnements qui s'ajoutent à un verrouillage du champ de l'audiovisuel. L'expérience marocaine semble avoir eu une issue plus heureuse, à en croire Ahmed Boughaba, journaliste et critique de cinéma marocain, qui a retracé, lors de son intervention, le parcours de la presse marocaine depuis l'indépendance du pays en 1956. Le Maroc compte aujourd'hui 588 titres dont 425 sont édités en arabe et 8 en tamazight, le reste est en français, selon l'hôte d'El Khabar qui explique par la même occasion que le roi Mohammed VI a procédé à la suppression du monopole de l'Etat sur l'audiovisuel et les médias de manière générale. Plusieurs chaînes de télévision créées par des privés ont été nationalisées après leur faillite. L'on compte aussi un nombre important de titres créés par des militants et des syndicalistes qui existaient de manière parallèle aux côtés des organes gérés par les partis politiques et des syndicats, explique le même journaliste.