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«L' impératif de préserver les terres agricoles et celui de réaliser les projets de développement» Ahmed Ali Abdelmalek. Directeur de l'Organisation foncière au ministère de l'Agriculture
Préserver les terres agricoles, cette ressource non renouvelable et assurer la disponibilité foncière pour réaliser les programmes de développement est le dilemme auquel fait face le gouvernement, selon le directeur de l'Organisation foncière et de la protection des patrimoines au ministère de l'Agriculture. - Quelles sont les procédures suivies pour le déclassement des terres agricoles ?
Nous avons au total trois procédures d'utilisation des terres agricoles pour la construction. Nous avons d'abord les instruments d'urbanisme, c'est le PDAU (Plan directeur d'aménagement et d'urbanisme) institué par la loi sur l'aménagement de l'urbanisme, qui classe la commune en quatre secteurs : secteur urbanisé, à urbaniser à court terme, urbanisation future sur 20 ans et le non urbanisable. Dans ce dernier secteur, il y a toutes les terres agricoles. Nous considérons globalement que 8,5 millions d'hectares ne sont pas urbanisables. La deuxième procédure, c'est la déclaration d'utilité publique. Lorsqu'un projet est déclaré d'utilité publique, on procède au déclassement des terres. La troisième possibilité se résume par les mesures dérogatoires instituées hors des secteurs urbanisables pour couvrir les besoins pour la réalisation des logements et des équipements collectifs. Cette procédure a commencé en 2006 avec une instruction du chef du gouvernement, numéro 15 modifiée par l'instruction numéro 1 du 19 avril 2010 et complété par l'instruction interministérielle numéro 191 du 29 mars 2011, qui fixe un dispositif expliquant comment déclasser les terres.
- Justement quelles sont les étapes suivies pour déclasser les terres agricoles ?
La demande est exprimée au niveau local par le secteur initiateur du projet. Il y a une commission présidée par le wali qui est composée de l'ensemble des intervenants et qui se déplace sur le site pour procéder au choix du terrain. Les membres de cette commission choisissent une parcelle avec, bien sûr, des orientations bien définies. Il faut d'abord que la parcelle soit de faible valeur agricole et plus proche des secteurs urbanisés. Il faut aussi privilégier la construction en hauteur (pour économiser au maximum l'espace agricole). Un certain nombre de préalables à prendre en charge. Ensuite, il y a la constitution du dossier. Ce dernier parvient au ministère de l'agriculture pour étude et traitement, en prenant en considération tous les critères. Il y a des dossiers qui sont acceptés et d'autres rejetés.
- Dans quels cas sont prononcés ces rejets ?
C'est clair, le premier principe, quand le dossier n'est pas complet, il est rejeté. On a eu à rejeter des dossiers dans toutes les régions et pour tous les secteurs sans exception, même pour la réalisation des zones industrielles et lorsque c'est nécessaire, on fait sortir une commission centrale sur le terrain pour vérifier. Le ministère de l'Agriculture introduit ces dossiers auprès d'un comité interministériel qui est présidé par le Premier ministre. Les ministères concernés par la demande viennent défendre leur dossier pour pouvoir satisfaire le foncier nécessaire à leur projet. Lorsqu'il y a validation, il y a une réponse aux walis qui est faite par le biais du ministère de l'Intérieur. Par la suite, on projette un décret qui prononce le déclas sement des terres qui est examiné au secrétariat général du gouvernement et ensuite présenté en Conseil des ministres. Le problème qui se pose, c'est la recherche de l'équilibre entre la nécessité de préserver au maximum les terres agricoles, notamment les plus fertiles, et celle de satisfaire la demande pour la réalisation des programmes de développement, notamment les programmes de logements, où la demande est la plus importante.
- Est-ce que vous réussissez à équilibrer entre la demande et l'offre ?
Autant que faire se peut. On essaye d'orienter au maximum vers les terres à faible potentialité agricole. On se dirige vers les communes où il y a des disponibilités quand on peut le faire. On peut déplacer les projets de logements vers d'autres communes, mais pas les écoles par exemple. Ce sont là des impératifs et nous essayons par tous les moyens de répondre à la demande en préservant au mieux les terres agricoles.
- Par quels moyens ?
Nous privilégions la concertation. Nous partons du principe que la terre est une ressource rare et non renouvelable. C'est notre leitmotiv. Malheureusement, parfois, certains comportements priment sur l'intérêt local, national et des générations futures. Pour cela, nous essayons, à travers la concertation et la sensibilisation, d'expliquer la situation. Parfois nous sommes agressifs envers les autorités locales, nous rappelons à chaque fois que nous n'avons pas beaucoup de terres. Même si nous sommes le plus grand pays d'Afrique, nous n'avons que 8,5 millions d'hectares de surface agricole utile, bien que les terres utilisées par l'agriculture soient bien plus importantes que cela, c'est plus de 47 millions d'hectares de parcours steppiques et de forêts. Sur les 8,5 millions d'hectares de SAU, nous avons 1 million d'irrigués avec l'objectif d'atteindre 1,6 million de surface irriguée en 2014. Cette superficie est à sauvegarder et à préserver. On ne peut pas importer de la terre. On essaye de faire face à cette recherche d'équilibre et de consensus dans la perspective de consolider notre sécurité alimentaire.
- Quel est le nombre de rapports présentés jusqu'à présent ?
Nous avons présenté quatre rapports et le cinquième est en préparation. Les wilayas les plus touchées sont celles des grandes villes. La demande qui est exprimée au niveau local est étudiée. Au comité présidé par le Premier ministre, il y a des rejets ou bien des confirmations et des expertises poussées qui sont demandées. Je rappellerais encore qu'il y a eu plusieurs rejets. Nous avons rejeté des demandes à Sétif, Alger, Blida et Saïda, à titre illustratif.
- Qu'en est-il des mesures d'indemnisation des agriculteurs ?
Il y a deux procédures dans ce cadre. Quand c'est une déclaration d'utilité publique, l'indemnisation des exploitants est faite conformément au décret déclarant le projet d'utilité publique. C'est pris en charge par le Trésor public. Lorsque c'est une distraction à l'intérieur des secteurs d'urbanisation ou à l'extérieur, l'indemnisation est opérée sur un compte spécial. Les montants sont définis sur la base d'une évaluation domaniale. Tout dépend des zones. Pour la première catégorie, les recours sont opérés auprès des instances judiciaires. Pour le deuxième cas, nous n'avons jamais enregistré de contestation. L'opération se fait globalement sans entraves, mais il y a le problème des disponibilités financières.
- C'est-à-dire…
L'argent est débloqué une fois par an, dans le cadre des lois de finances. Mais l'enveloppe ne suffit pas, d'où le recours à des demandes supplémentaires. Même si les exploitants sont indemnisés en retard, le principe est que tout exploitant agricole touché par une distraction de terres est indemnisé financièrement.
- Vous insistez à chaque fois sur la nécessité de préserver les terres agricoles…
Notre mission n'est pas de bloquer la réalisation de projets, L'objectif c'est que les 8,5 millions d'hectares de la SAU doivent nous assurer la sécurité alimentaire pour réduire les importations et assurer l'emploi. Actuellement l'agriculture est le secteur qui emploie le plus. Par exemple, à El Oued 67% de la population active travaille dans l'agriculture, contre 47% à Biskra. Les instruments de planification existent pour préserver les terres. Là où on peut construire en hauteur, qu'on le fasse. C'est dramatique de voir des projets réalisés en horizontal alors qu'on pourrait le faire en vertical pour préserver les terres. Les normes de constructions parasismiques existent et doivent être respectées. Il faut aussi apprendre à vivre dans des tours. La rénovation et la densification urbaine ou la restructuration sont des instruments à appliquer. En somme, il faut mettre les moyens pour gagner des terres. Les instructions 1 et 191 sont claires, elles stipulent d'aller sur les piémonts, même si ça coûte plus cher parce que l'argent dépensé peut être récupéré mais la terre non. Je dirai s aussi que pour revenir à l'orthodoxie, il y a des instruments d'urbanisme qui doivent être élaborés avec plus de rigueur pour prendre en charge les besoins des populations. Il faudra que ces instruments d'urbanisme soient des instruments d'aménagement pour mieux préserver les espaces agricoles et forestiers et non plus uniquement comme des instruments de consommation des terres. En outre, il faudra que la législation et la réglementation en vigueur concernant les constructions illicites soient appliquées avec rigueur sans oublier que la loi d'orientation agricole a prévu des dispositions pénales à l'encontre de tout détournement de terre agricole.