L'exploitation du pétrole non conventionnel pourrait créer un choc pétrolier d'ici 2018, selon une déclaration de la directrice générale de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Dans le communiqué qui présente le rapport semestriel sur l'évolution du marché pétrolier, Maria Van Der Hoeven, première responsable de l'AIE, a estimé que «l'Amérique du Nord a déclenché une onde de choc qui se répercute dans le monde entier». Cette onde de choc va concerner le pétrole après avoir déjà touché le gaz naturel en orientant les prix à la baisse. Pour la responsable de l'AIE, qui défend les intérêts des pays consommateurs, l'accroissement de l'offre de pétrole va aider à calmer un marché relativement tendu depuis des années. Maria Van Der Hoeven compare les effets du développement de la production du pétrole non conventionnel en Amérique du Nord (USA et Canada) dans les cinq prochaines années à ceux que la demande de pétrole chinoise a eus sur le marché pétrolier au début des années 2000. L'on se rappelle que l'augmentation de la demande chinoise avait pratiquement fait doubler les prix du baril de pétrole en quelques années. Une augmentation de l'offre de pétrole va avoir des effets sur le prix du baril aussi bien aux Etats-Unis que dans les autres régions du monde vu «la liquidité du marché». Cette situation va toucher directement les pays producteurs de pétrole dont les recettes vont baisser. Cette onde de choc va toucher notre pays directement, vu que les exportations des hydrocarbures représentent plus de 95% des recettes en devises. Si la répercussion de cette onde de choc n'a pas été encore chiffrée en matière de prix, il faut s'attendre, d'ici 2018, à un effet de stagnation sinon à une baisse des prix du pétrole. Selon des données établies l'année dernière par des analystes américains, le prix du pétrole brut américain économiquement viable pour l'activité d'extraction du pétrole de schiste grâce à la fracturation hydraulique serait de 65 dollars le baril. Ce qui est déjà un indice important pour le marché. La baisse des prix du gaz naturel aux Etats-Unis avait orienté dès l'année passée les producteurs américains vers l'extraction des liquides hautement plus rentables. On se souvient que le développement de la production du gaz de schiste avait fait baisser les prix du gaz d'une manière drastique sur le marché américain. Le prix du million de BTU était descendu en dessous de trois dollars, après avoir dépassé les 10 dollars le million de BTU. En une décennie (1999-2009), les Etats-Unis ont augmenté leur production de gaz naturel de 100 milliards de mètres cubes et sont devenus ainsi le premier producteur mondial de gaz naturel. L'idée selon laquelle la baisse des forages et de l'activité pour le gaz de schiste constituait un échec pour les hydrocarbures non conventionnels était fausse, puisque les producteurs avaient orienté leur activité vers les hydrocarbures liquides et notamment le pétrole de schiste nettement plus rentable avec un prix du baril de pétrole situé entre 80 et 90 dollars sur le marché américain. Les Etats-Unis prévoient déjà de faire passer leur production de pétrole de 5,5 millions de barils (en 2010) à 6,7 millions de barils/jour en 2020 uniquement avec le pétrole du golfe du Mexique et le pétrole de schiste. Selon des prévisions du département américain de l'Energie, la production de pétrole brut des Etats-Unis a connu une augmentation de 800 000 barils/jour en 2012, soit une hausse de 14%. Selon la même source, en 2013, l'augmentation sera de 700 000 barils/jour pour atteindre une production moyenne annuelle de 7,1 millions de barilsjour. L'AIE prévoit d'ailleurs qu'en 2017, les Etats-Unis deviendront le premier producteur de pétrole dans le monde en détrônant l'Arabie Saoudite. Les chiffres fournis par l'agence sur le marché, à court terme, indiquent une augmentation nette de l'offre de pétrole par rapport à l'évolution de la demande en pétrole. Pour l'AIE, la capacité mondiale de production de pétrole augmentera de 8,3 millions de barils de pétrole entre 2012 et 2018 et devrait atteindre 103 millions de barils/jour. La demande, quand à elle, se situera à 96,68 millions de barils/jour avec une augmentation de 6,9 millions de barils/jour. Selon l'AIE, l'Amérique du Nord (USA et Canada) connaîtra, à elle seule, une croissance de la production de 3,9 millions de barils/jour sur l'augmentation de production de 6 millions de barils/jour qui proviendra des pays non membres de l'OPEP de 2012 à 2018. Le Canada prévoit d'augmenter sa production à partir des sables bitumineux. Le Canada qui produit déjà 2 millions de barils de pétrole pourrait augmenter cette production à 3,7. Les pays membres de l'OPEP connaîtront une croissance de la production de 2,3 millions de barils/jour durant la même période. Il est clair que la révolution des hydrocarbures non conventionnels entamée aux Etats-Unis qui a bouleversé déjà le marché du gaz naturel va toucher le marché pétrolier. Et l'influence de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole pourrait sensiblement diminuer d'ici 2018. L'OPEP qui avait fait la sourde oreille commence à se réveiller. Lors de la prochaine conférence qui se tiendra le 31 mai à Vienne, la question du pétrole de schiste sera à l'ordre du jour. S'il est encore trop tôt d'émettre des pronostics sur les incidences de cette révolution sur les prix du pétrole d'ici 2018, il faut savoir qu'une plus grande offre de pétrole sur le marché orientera les prix à la baisse s'ils ne stagneront pas. Toujours est il que cette révolution aura de grandes incidences sur les budgets des pays producteurs de pétrole qui pourraient faire face à des crises, tellement ils ont pris de mauvaises habitudes dans leurs dépenses. Et notre pays est directement concerné.