L'ouverture des plis, mercredi 26 avril à El Tarf, pour la concession des lacs Mellah et Oubeira, zones humides d'importance internationale et zones intégrales du parc national d'El Kala, marque la fin d'une époque. Ces deux sites viennent d'être au bout de la seconde tentative - la première a été invalidée parce que entachée d'irrégularités - concédés à l'exploitation privée pour une durée de 25 ans. Exploités depuis toujours pour leurs ressources aquatiques (animales et végétales), ils sont placés depuis la fin des années 1970 au cœur de tous les programmes de développement de l'aquaculture en Algérie, s'il en est. En pure perte car « les projections souvent fantaisistes se sont fondées plus sur les aspects esthétiques et morphologiques que sur les potentialités réelles de ces milieux improprement qualifiés de lacs et qui ne sont en fait que de grandes et minces flaques d'eau, frétillantes de vie, certes, mais extrêmement vulnérables aux modifications brusques et rapides », ont conclu des universitaires de Annaba qui y travaillent depuis vingt ans. Les soumissionnaires, au nombre de 17 au départ, avaient jusqu'au 25 avril pour déposer leurs offres. Le lendemain, jour de l'ouverture des plis, ils n'étaient plus que 7 concurrents, 4 pour le lac Mellah et 3 pour Oubeira. Les postulants ne peuvent soumissionner que pour l'un des deux sites selon le cahier des charges qui fixe les procédures pour l'octroi de la concession. Le lac Mellah, en fait une lagune d'eau saumâtre de 860 ha et 3,5 m de profondeur moyenne, reliée à la mer par le chenal de l'oued En Nechaâ, est le plus productif des deux sites. Sa concession est revenue à Hocine Djeffal, entrepreneur, commerçant et hôtelier à El Kala, sénateur de la précédente mandature et le lauréat remis en cause lors de la première adjudication. Elle a été enlevée avec un droit d'entrée d'un montant de 5 millions de centimes et un loyer annuel de 20 millions de dinars, soit 50 milliards de centimes sur 25 ans. Le lac Oubeira est un étang d'eau douce de 2500 ha et de 1,5 m de profondeur moyenne. Sa concession est revenue à l'Eurl El Baraka, dont le propriétaire n'est autre que le fils du précédent. Elle a été enlevée pour une offre de 3 millions de dinars pour l'entrée et un peu moins de 5 millions de dinars de loyer annuel, soit 12 milliards de centimes sur les 25 ans de concession. Contrairement à la première, les procédures de cette seconde adjudication n'ont pas soulevé de fortes protestations, si l'on écarte le report de la date limite de dépôt des offres et l'exigence des soumissionnaires de procéder à l'ouverture des plis juste après le terme de ce délai. Les grosses pointures, fort nombreuses et présentes la première fois, n'ont pas participé à cette seconde édition. « Inutile de nous donner du mal pour cautionner un remake », nous a déclaré l'un d'entre eux pour expliquer sa désaffection. Les faits semblent lui donner raison, mais ceux qui ont assisté à l'adjudication affirment que les choses se sont passées correctement si on écarte cette curieuse histoire de casier judiciaire du lauréat qui est daté du jour même de l'ouverture des plis. Le cahier des charges de l'exploitation contient, maladroitement par ailleurs, tout un chapelet de mesures pour garantir le statut d'aires protégées classées de ces deux sites, comme il impose aussi à l'exploitant de procéder à des investissements et à des aménagements. Mais de l'avis général, « le cahier des charges, c'est pour donner le change et sauver les apparences, car chacun sait, ici et ailleurs, que ce sera insuffisant pour protéger ces sites uniques et les mettre à l'abri des lubies des uns et des autres ».