Le psychodrame du cinéaste français Arnaud Desplechin, Jimmy P. Psychothérapie d'un Indien des plaines est un film banal. Cannes De notre envoyé spécial Des Français partent aux Etats-Unis pour faire des films. Arnaud Desplechin en fait partie. Il est en compétition officielle au 66e Festival du cinéma de Cannes, avec un long métrage Jimmy P. Psychothérapie d'un Indien des plaines, tiré d'un livre du psychanalyste et anthropologue juif hongrois, Gyorgy Dobo, plus connu sous le nom de Georges Devereux, après avoir pris les nationalités française et américaine. Paru en 1951 aux Etats-Unis, ce livre s'intéresse au cas de Jimmy Picard, un Indien blackfoot (la tribu des Mohaves) du Montana, souffrant de traumatismes d'après-guerre. Il a été au front lors de la Deuxième Guerre mondiale. Georges Devereux, un des fondateurs de l'ethnopsychiatrie, a détaillé sa méthode de traitement dans un volumineux ouvrage. Arnaud Desplechin a pris le risque de l'adapter à l'écran, aidé de Julie Peyr et Kent Jones (un critique de cinéma connu aux Etats-Unis). Le cinéaste a pris des bouts de ce livre pour son long métrage, Rois et reine, en 2004. «C'est un livre qui m'accompagne depuis longtemps. Lorsque j'ai vu le titre de cet ouvrage dans une librairie, je me suis dit que ce livre est fait pour moi. Nous plongeons avec ce livre dans l'âme de Jimmy. La puissance dramatique du dialogue entre Jimmy et Devereux est un sujet de film», a confié Arnaud Desplechin, lors de la conférence de presse. Le cinéaste français a fait appel à l'acteur américain, Benicio Del Toro, pour le rôle de Jimmy Picard et à l'acteur français, Mathieu Amalric, pour celui de Georges Devereux. Durant presque deux heures, la guérison de Jimmy évolue au fur et à mesure que le psychanalyste ouvre les petites boîtes de la mémoire et du refoulé de son patient. Entre les deux hommes, naît une amitié. Deux hommes qui viennent d'univers différents. Tel semble être le projet de Desplechin, à savoir évoquer l'amitié, le rapport apaisé entre des personnes de cultures différentes, la compréhension évolutive, le respect. Et, en même temps, tenter de rendre hommage à une science de plus en plus méprisée par les nouveaux pouvoirs, l'anthropologie. Benicio Del Toro s'est bien adapté à son rôle d'Indien tourmenté. Avant de passer au tournage, il a lu le livre de Georges Devereux pour bien se mettre dans le bain. Mathieu Amalric a appris à parler un anglais fortement marqué par l'accent d'Europe centrale, a mis des lunettes rondes et pris les allures sérieuses d'un psychanalyste passionné. «Je me suis fait ma propre analyse ! Je ne connaissais pas ce monde. Cela devient un monde d'aventure, comme la plongée sous-marine», a confié l'acteur français. A l'écran, il s'est bien débrouillé, paraissant plus à l'aise que Benicio Del Toro. Pas moins ! Dans Rois et reine, Mathieu Amalric était l'interné d'un asile psychiatrique. Il change de camp dans le nouveau film d'Arnaud Desplechin. «Le film ne peut pas redevenir le livre. Il y a avant tout une histoire. C'est le scénario qui fait le film. Et le scénario était parfait. Il y a plus d'émotions dans le film que dans le livre», a soutenu Benicio Del Toro. Mathieu Amalric a confié aux journalistes qu'il a été impressionné par l'acteur américain lors du tournage. Il devait cacher cette impression dans son jeu. «L'intuition de Benicio a fait que l'on devienne des complices dans le film avec Arnaud. Le suspense dans le film est où va la parole de l'autre ? Où vont les mots de Jimmy», a soutenu Mathieu Amalric. Au-delà des impressions des uns et des autres, Jimmy P. Psychothérapie d'un indien des plaines est un psychodrame bavard et ennuyeux. Il faut bien tendre l'oreille pour ne pas dormir ! Le film se respecte sur le plan esthétique, en ce sens qu'Arnaud Desplechin a su restituer l'ambiance des séances de psychothérapie, Benicio Del Toro donnait l'impression parfois d'être réellement malade ! La décoratrice, Dina Goldman, a complètement réussi à «reconstruire» l'hôpital militaire de Topeka dans le Kansas, là où étaient traités les vétérans de la Grande guerre. Cependant, le film manque de piquant. Cela ressemble à une salade bien préparée, mais mal assaisonnée, donc peu goûteuse, fade. Célébrer «la démocratisation de la psychanalyse» à travers une fiction ne suffit pas pour convaincre. Il ne suffit donc pas de traverser l'Atlantique pour atteindre la perfection. Après Un conte de Noël, en 2008, Arnaud Desplechin marque donc un retour presque ordinaire au Festival de Cannes. Encore une fois, un bon casting.