C'est sous le slogan « Objectif 2010 : la Méditerranée, un espace privilégié de libre circulation des hommes, des idées et des productions audiovisuelles » que s'est ouverte la 13e conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen, en présence de son président Hamraoui Habib Chawki et du directeur général des relations avec la Méditerranée et le Moyen-Orient du ministère des Affaires étrangères italien, Riccardo Sessa. Le sous-directeur de l'Unesco chargé de la communication et de l'information Abdul Waheed Khan a résumé en quelques mots l'impact crucial qu'exercent les médias sur les jeunes générations, « les enfants passent bien plus de temps devant la télévision qu'ils n'en font à l'école ou avec leurs parents ». Pour sa part, le directeur du festival du Cinéma du Caire Chérif El Shoubashy a dénoncé l'hégémonie de la culture américaine, notamment dans le domaine de la production cinématographique, car responsable selon lui de véhiculer « une vision monolithique du monde ». Mais la rencontre de Palerme a dépassé le cadre étroit des initiés au secteur de l'audiovisuel, pour permettre un débat plus large sur la notion galvaudée de coopération euro-méditerranéenne. Depuis l'échec annoncé de la conférence euro-méditerranéenne qui devait célébrer, en novembre 2005, les dix ans du processus de Barcelone, les rencontres qui regroupent des représentants des deux rives respectives de Mare Nostrum lèvent davantage le voile sur l'abîme qui sépare les priorités des uns et des autres que ne permet pas de dresser un bilan positif de ce partenariat. Même la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (Copeam) qui s'est ouverte hier en Sicile a vu les participants maghrébins déclamer, sans euphémisme, le requiem de la coopération euro-méditerranéenne. L'historien et passionné spécialiste de la Méditerranée Predrag Matvejevic l'a souligné sans détour dans son discours inaugural, hier matin à Palerme, en affirmant que « les décisions concernant la Méditerranée sont très souvent prises en dehors d'elle, ou bien sans elle. Cela engendre tantôt des frustrations, tantôt des fantasmes. Les jubilations devant le spectacle de notre mer se font de plus en plus retenues ou circonstancielles. (...) Un pessimisme résigné s'annonce depuis longtemps à l'horizon ». Lui-même originaire de la Bosnie, l'auteur du Bréviaire méditerranéen, rédigé dans le pur style rigoureux inspiré par le grand historien de la Méditerranée Fernand Braudel, met le doigt sans complexe sur les maux de la Méditerranée. Il en nomme quelques-uns et du coup il balaie le victimisme qu'on reproche aux Méditerranéens du Sud et restitue à ces derniers dignité et humanisme. « Une déchirure alternative divise les esprits au Maghreb et au Machreq : moderniser l'Islam ou islamiser la modernité. Ces deux démarches ne vont pas de pair : l'une semble exclure ou renier l'autre. Ainsi s'aggravent les relations réciproques et s'accumulent des malentendus. Les fermetures qui s'opèrent dans le bassin tout entier contredisent une naturelle tendance à l'interdépendance. La culture n'est pas en mesure de fournir un appui réel ou une aide satisfaisante. » Sur un ton tout aussi pessimiste, le directeur général de la haute autorité de la communication audiovisuelle marocaine Ahmed Khchichen a averti du risque de voir l'Europe, appelée à des actions plus urgentes comme celles de se protéger de la concurrence commerciale infreinable de la Chine et de l'Inde, se détourner davantage du sud de la Méditerranée, limitant le dialogue avec ces pays à des thèmes touchant leurs intérêts stricts comme celui de l'immigration. Plusieurs membres de l'Association nationale des producteurs audiovisuels ont fait le voyage pour se mettre au fait des dernières innovations en matière de production audiovisuelle, mais également pour prospecter un marché où ce ne sont pas seulement les personnes qui sont confrontées à des obstacles insurmontables et à des attitudes méfiantes, voire protectionnistes. La conférence de la Copeam tiendra sa douzième assemblée aujourd'hui, à l'issue de laquelle sera élue la nouvelle présidence qui durera deux ans. Dans son discours, le représentant du ministère des Affaires étrangères italien Riccardo Sessa a remercié le directeur de l'Entv du rôle « important et précieux » joué à la tête de la Copeam, qualifiant la présidence algérienne de la conférence permanente de « déterminante et productive ».