Plus d'un millier de personnes ont péri dans des attentats en Irak au cours du mois de mai, marqué par le plus fort pic de violences depuis la guerre civile de 2006-2007, ont rapporté hier les Nations unies. «Il s'agit d'un triste record», a déploré Martin Kobler, émissaire des Nations unies à Baghdad. «Les dirigeants politiques irakiens doivent intervenir immédiatement pour mettre fin à ce bain de sang intolérable.» Le Premier ministre, le chiite Nouri Al Maliki, a par la suite reçu à Baghdad des représentants des diverses communautés pour tenter d'engager des pourparlers sur la crise, que des négociations antérieures n'ont pas permis de résoudre.Au cours de la semaine écoulée, les attaques menées contre des faubourgs chiites ou sunnites de la capitale irakienne ont fait 70 morts lundi et 25 autres jeudi. En outre, la majorité des 1045 personnes qui ont trouvé la mort en mai sont des civils, selon les statistiques des Nations unies. Cette estimation est plus élevée que celle de 600 tués établie par Reuters, qui s'appuie sur les responsables policiers et les services médicaux. Depuis avril, ce sont au total près de 2000 personnes qui ont péri, victimes de la multiplication des actions terroristes menées par des militants sunnites, revigorés par le conflit en Syrie et par des activistes qui tentent de ranimer un conflit communautaire similaire à celui qui avait fait des dizaines de milliers de morts il y cinq ans. Ces violences croissantes ont accentué les tensions entre les dirigeants chiites et la minorité sunnite, au pouvoir sous le règne de Saddam Hussein, qui réclame la fin d'une politique visant, selon elle, à une marginalisation de sa communauté. Depuis le retrait des troupes américaines en décembre 2011, la branche d'Al Qaîda en Irak ne cesse de regagner du terrain sous l'effet de la rébellion en Syrie et de la multiplication des actions dans le pays. Al Qaîda, les milices et Al Maliki Les combattants irakiens, qu'ils soient sunnites ou chiites, traversent régulièrement la frontière pour combattre dans des camps opposés en Syrie. Ces violences ont été ranimées par l'intervention de l'armée contre un camp de manifestants sunnites à Haouidja, au mois d'avril. Cet incident avait été suivi par une reprise des attentats qui ont fait 700 morts en avril, ce qui représentait le bilan le plus meurtrier depuis cinq ans. Au plus fort des violences communautaires opposant chiites et sunnites, on dénombrait jusqu'à 3000 morts par mois en Irak. Les responsables du gouvernement de Nouri Al Maliki pensent que la branche d'Al Qaîda en Irak, l'Etat islamique d'Irak et les insurgés Naqshbandi liés aux anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein veulent aujourd'hui provoquer une réaction des milices chiites. Pour les services de sécurité, les milices chiites telles que l'armée du Mahdi, Assaïb Al Hak, et les brigades du Hezbollah n'ont majoritairement pas pris part au conflit. Mais les commandants des milices se disent prêts à agir. Depuis avril, les bombardements ont essentiellement visé des mosquées chiites et sunnites, des quartiers de Baghdad et d'autres villes, des membres des forces de sécurité ainsi que des dirigeants sunnites modérés. Beaucoup d'Irakiens, en particulier à Baghdad, redoutent désormais le retour des escadrons de la mort. Les boutiques de la capitale ferment plus tôt que d'habitude et les mesures de sécurité ont été renforcées. «Les groupes d'activistes chiites sont en grande partie restés en dehors des dernières violences. S'ils sont derrière les bombardements de mosquées sunnites, cela veut dire qu'ils ont été entraînés dans le conflit», analyse Stephen Wicken, membre de l'Institut de l'étude de la guerre à Washington. «Cela poserait les conditions d'un élargissement du conflit intercommunautaire», ajoute-t-il.