Fondé à Damas en 1947 à l'initiative d'un chrétien Michel Aflaq et d'un musulman Salah Bitar, le Baas parti laïque, qui mélange nationalisme arabe et socialisme, a pris le pouvoir par la force en Syrie en 1963 et en Irak en 1968. Les chiites irakiens, qui dirigent le pays depuis 2003 après la chute du Baas de Saddam Hussein, sont en général favorables au maintien du régime baasiste en Syrie, redoutant une arrivée au pouvoir de sunnites à Damas qui empoisonnerait le climat en Irak. Si officiellement l'Irak, par la voix de son Premier ministre Nouri al-Maliki, a justifié les manifestations dans le monde arabe par la «tyrannie» et l'«oppression» subies par les peuples, les hommes politiques chiites sont plus circonspects. «Le parti Baas en Syrie est totalement différent des criminels baasistes qui ont gouverné l'Irak et n'oublions pas que ses dirigeants ont aidé l'opposition à Saddam Hussein», affirme Jalal Edinne Saghir, un dirigeant du Conseil supérieur islamique d'Irak (CSII), un des principaux mouvements religieux chiites. «Les deux formations portent effectivement le même nom, mais on ne peut en parler de la même façon. En tout cas, il faut être conscient que l'Irak sera le pays le plus affecté par une déstabilisation de la Syrie», ajoute-t-il. Fondé à Damas en 1947 à l'initiative d'un chrétien Michel Aflaq et d'un musulman Salah Bitar, ce parti laïque, qui mélange nationalisme arabe et socialisme, a pris le pouvoir par la force en Syrie en 1963 et en Irak en 1968. Dans les deux pays, ils étaient dirigés par des minorités, alaouite dans un pays en majorité sunnite en Syrie, sunnite dans un pays à majorité chiite en Irak. Mais rapidement les deux «branches» de ce parti panarabe se sont opposées et le 18 août 1980, la Syrie et l'Irak ont rompu leurs relations diplomatiques car Damas a soutenu Téhéran après l'invasion du pays par Saddam Hussein. Le régime syrien a accueilli les opposants chiites notamment Nouri al-Maliki. «Il n'y a pas de doute que si les salafistes (sunnites ultra-conservateurs) arrivent au pouvoir cela accroîtra le conflit confessionnel dans la région», explique cheikh Saghir. Le député Khaled al-Assadi, proche de M.Maliki, est convaincu que «des étrangers interviennent dans la situation en Syrie et comme nous l'avons fait au sujet de Bahreïn, nous rejetons toute interférence qui affaiblit un pays et le pousse vers des conflits confessionnels». L'Irak avait condamné l'intervention saoudienne à Bahreïn contre la majorité chiite de cette royauté et M. al-Assadi laisse entendre que Riyadh aiderait les sunnites en Syrie contre la minorité alaouite au pouvoir, qui est une branche du chiisme. «Nous avons peur que les salafistes arrivent au pouvoir comme c'est arrivé dans plusieurs villes d'Anbar, Salaheddine et Ninive», affirme Latif al-Amidi, étudiant dans une école religieuse dans la ville sainte chiite de Najaf. Il faisait allusion à la venue des «jihadistes» dans les régions sunnites après l'invasion conduite par les Etats-unis en 2003, dont la composante la plus connue est Al Qaîda. Ils ont été à l'origine d'un conflit confessionnel sanglant qui a fait des dizaines de milliers de morts. Pour Hamid Fadel, professeur de Sciences politiques à l'université de Baghdad, les chiites irakiens, qui ont attendu 80 ans avant d'accéder au pouvoir, redoutent d'être encerclés par des régimes sunnites. «Tout ce qui se passe en Syrie affecte beaucoup l'Irak et bien que le régime du Baas ait pu jouer un rôle négatif dans le passé, c'est bien mieux qu'un régime islamiste», dit-il. Le gouvernement irakien a accusé dans le passé la Syrie d'avoir laissé passer des insurgés et donné refuge à des baasistes irakiens qui fomentent des attentats. «Si les islamistes arrivent au pouvoir, il est clair qu'ils auront été aidés par l'Arabie saoudite et d'autres pays sunnites et cela affectera l'Irak car ils essayeront de contacter les sunnites pour oeuvrer contre le gouvernement dominé par les chiites», explique cet analyste. «En outre, poursuit-il, un changement de régime à Damas renforcera les Kurdes en Irak qui se sentiront encouragés à passer de l'autonomie dont ils jouissent actuellement à l'indépendance dont ils rêvent».