Le président de la République a fait hier, à l'occasion de la fête internationale des travailleurs, un constat extrêmement positif de la situation du monde du travail et de l'économie dans un message lu par le SG de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, à Ouargla. « La célébration du 1er Mai se déroule cette année dans un climat marqué par des avancées importantes que connaît l'Algérie dans tous les domaines. » Il y a à peine quinze jours, le chef de l'Etat a piqué une colère noire lors sa « sortie » algéroise en se plaignant de ce que « tous les secteurs accusent des retards énormes » et accusait ses ministres de lui maquiller les bilans des réalisations. Le contraste entre les discours est assurément saisissant. Qu'est-ce qui a donc pu changer pour que le sombre tableau brossé devant les caméras de la télévision se soit, comme par enchantement, subitement embelli ? Le président Bouteflika se fait fort d'annoncer, cette fois, que « les réalisations accomplies dans les domaines qui figurent parmi les préoccupations primordiales pour le monde du travail (...) dont le premier sujet d'intérêt demeure celui de l'emploi ». Mais le chef de l'Etat s'est gardé de parler le langage des chiffres en se contentant de rappeler « les différents plans de relance auxquels s'ajoutent les dispositifs de promotion de l'emploi » pour meubler le bilan. Pour lui, ces dispositifs indiquent que les résultats obtenus sont très « encourageants et significatifs avec une réduction de plus de moitié du taux de chômage ». Soit. Or les spécialistes, au-delà du fait qu'ils considèrent le taux officiel du chômage loin de la réalité, contestable tout au moins, relèvent l'inefficience des dispositifs de création d'emploi qui, dans la plupart des cas, favorisent plutôt la précarisation du monde du travail. Ces emplois temporaires (préemploi, IAIG, CDD...) ont évidemment été catalogués officiellement dans le registre de la création d'emplois. Au chapitre des salaires, le président de la République convoque également les statistiques de l'ONS pour convaincre qu'il y a « une progression importante de la masse salariale et du salaire moyen au cours de ces dernières années, ce qui contribue incontestablement au relèvement du niveau de vie des travailleurs ». Là aussi, le discours semble largement décalé par rapport à la réalité sociale des pans entiers de la société. Les nombreux foyers de tension déclarés ces derniers jours autour précisément des revendications salariales dénotent un malaise patent dans le monde du travail. Il est utile de rappeler la fameuse enquête de l'UGTA qui a conclu qu'une famille de 7 personnes nécessite un budget mensuel de plus de 25 000 DA pour se nourrir. Et quand on sait que les 25 000 DA ne sont pas à la portée du commun des Algériens, il est loisible de conclure que plus de la moitié du peuple, des travailleurs donc, ne mangent pas forcément à leur faim. Les mots et les maux ! Sachant que la vérité des chiffres n'est peut-être pas bonne à dire, le président de la République a surfé sur les aménagements législatifs destinés à prendre en charge les problèmes socioprofessionnels des travailleurs. Il est question notamment des textes législatifs et réglementaires en matière de législation sociale, textes qui « consacrent de manière plus spéciale la protection contre les risques professionnels, l'amélioration de la gestion et de la qualité du service de la sécurité sociale ainsi qu'une série de dispositifs visant tous à renforcer, développer et assurer la préservation du système national de sécurité sociale ». Bouteflika s'accorde également un satisfecit en évoquant « les aspects positifs de la politique de développement (...) tant au niveau de la situation économique générale que des grandes réalisations dans les domaines de l'habitat et des infrastructures de manière générale ». Bien que satisfait des réalisations, le Président invite les partenaires de la tripartite à la concertation pour trouver « les solutions les plus satisfaisantes pour l'ensemble des partenaires sociaux et pour l'intérêt général du pays ». Le chef de l'Etat a pris le soin de ne pas recommander expressément au gouvernement de faire des concessions sur les salaire.