Maâlem Medjbar va, dans son prochain album, redonner vie au rythme chellali du Sud-Ouest algérien. Béchar. De notre envoyé spécial
Maâlem Medjbar, de son vrai nom Benmadjbari Majdbar, reste fidèle à lui-même. La quête de fusion dans une atmosphère roots est permanente chez cet artiste natif de la Saoura. Dimanche soir, au stade Enasr de Béchar, à la troisième soirée du 7e Festival national culturel de musique diwan, il a invité le jeune public à apprécier plusieurs formes d'expressions mélodiques et rythmiques. Il a exploité le rythme aïssaoui, par exemple. Comme il a repris le célèbre Yamina d'Ahmed Wahbi (chanté également par Khaled dans une version raï), en l'adoptant au diwan. Maâlem Medjbar a même suggéré la transe. «La plupart du temps, je travaille en fusion. Il est rare que je ne fasse que du traditionnel. Je le fais parfois à la demande. Sur une scène comme ça, je veux exploiter mes recherches. Pour moi, le traditionnel c'est le gumbri, le kerkabou, les percussions, le ganga. Autrement dit, il n'y a pas d'instruments électriques. On reste donc dans le noyau diwan. Il est toujours possible de fusionner avec des instruments acoustiques, comme le violon ou la flûte», a soutenu maâlem Medjbar. Selon lui, le noyau du diwan est constitué de m'hala et de bradj. «Cela doit être respecté. Pour la fusion, on peut se permettre certaines choses. Je donne aussi beaucoup d'importance aux textes. Il ne suffit pas d'avoir une bonne ambiance musicale», a ajouté cet adepte du melhoun. Habituellement, maâlem Medjbar chante les poèmes de Ahmed Kerroumi, Mohamed Mehdaoui, Hadj Farradji et d'autres. Pour son prochain album, il envisage de réactualiser le rythme chellali du Sud-Ouest algérien, oublié par les jeunes groupes de musique actuels. «Le chellali est un rythme spirituel qui va bien avec le gumbri», a-t-il précisé. L'artiste aime bien s'inspirer des chants ouest-africains et de l'Ahelil du Gourara. «Dans Lillia, une chanson en préparation, je m'inspire quelque peu de ce que fait l'artiste malienne Oumou Sangaré», a-t-il dit. Maâlem Medjbar prépare une série de concerts en Algérie pour la période estivale. Les amis de Khaouadji Amar de Tlemcen ont, de leur côté, voulu rendre hommage à ce maâlem de réputation nationale décédé en 2012. Ils ont interprété, lors de leur passage, les bordj Bor ya bor et Séo. «Notre association existe depuis 2008. Notre souci est de garder vivant l'héritage du diwan à la manière traditionnelle. Nous voulons être présents dans la plupart des scènes en hommage à mon frère. C'est une transmission, une chaîne. Chacun doit passer ce qu'il sait à l'autre. Nous assurons l'apprentissage pour les jeunes qui nous rejoignent», a déclaré Mohamed Khaouadji, frère de Amar. «C'est un legs de nos ancêtres. On doit le sauvegarder. Cela fait 45 ans que je suis dans le diwan et je n'ai pas abandonné. J'ai transmis mon savoir à mes enfants», a enchaîné Mohamed Bedar, 63 ans, membre de l'association Les amis de Amar Khaouadji. Menée par Abdelmadjid Zenani, la troupe Gaâdat El Waha de Béchar a, pour sa part, entamé son spectacle avec le très connu Moulana avant de poursuivre avec un kouyou, une danse avec le t'bel. «Notre groupe est composé à 90% de jeunes. Il existe depuis deux ans. Nous avons participé au dernier festival de Ahlil, à Timimoun. Les jeunes y ont acquis une certaine expérience. Ici à Béchar, le public du diwan est très vaste», a indiqué Abdelmadjid Zenani. «Le public a bien réagi à notre spectacle. J'espère que le jury n'a pas raté cela», a-t-il ajouté avec ironie. Le groupe Sidi Blal de Mascara, présent pour la troisième fois au Festival de Béchar, est une affaire de famille. «Le groupe est composé de membres qui ont des liens familiaux. Des pères, des frères, des cousins, des fils... Ils se sont tous retrouvés autour du diwan. Nous voulons créer une école pour former les nouvelles générations. Nous avons toutefois entamé le travail de formation depuis deux ans. Ce Festival de Béchar est une occasion pour eux de monter sur scène et de se produire devant le public. Cela dit, ce qui est présenté dans les waâdate n'est pas le même que celui proposé au public dans un festival», a souligné Belarbi Benamar, président de l'association Sidi Blal. Sur scène, les danses ont appuyé l'interprétation des broudj. Le groupe Sidi Blal a décroché le 1er prix au Festival des danses africaines de Tizi Ouzou, en 2009. Durant la journée, la maison de la culture de Béchar a abrité une conférence animée par Omar Fassi de l'université de Béchar sur la musique diwan entre tradition et renouveau. Dans l'après-midi, un atelier a été organisé à l'hôtel Antar sur le rapport entre «La presse et la musique». Le débat a tourné sur la nécessité de faire découvrir davantage cet héritage culturel sahélo-maghrébin. Pour y arriver, la contribution de l'université, des médias, des gens du diwan et des pouvoirs public paraît incontournable.