Le torchon brûle entre le ministère de la Justice et les robes noires. Des sit-in, des rassemblements, le boycott des audiences et probablement une grande marche sont au menu de la protestat pour dénoncer le nouveau projet de loi portant organisation de leur profession. Des dizaines de robes noires affiliées au barreau d'Alger se sont rassemblées, hier, devant la cour d'Alger située au Ruisseau. Certains avocats portaient des chaînes symbolisant les restrictions qui entravent la liberté de la profession, d'autres ont muselé leur bouche ou brandi le drapeau national ainsi que les portraits de leurs aînés. Les manifestants ont clamé haut et fort le report de l'adoption du texte de loi qui sera soumis au vote des députés aujourd'hui. Ce projet, selon eux, n'est pas de nature à organiser la profession d'avocat. «Ce texte a été modifié de façon à restreindre le droit de la défense, le droit du justiciable, donc celui des citoyens. Il met également l'avocat sous contrôle judiciaire. Nous appelons à le rendre caduc ou à le réviser», lance maître Abdelmadjid Sellini, bâtonnier d'Alger. Ce dernier a adressé une missive au garde des Sceaux demandant l'ouverture d'un dialogue et l'amendement de 40 articles qui sont attentatoires aux droits de la défense. «La commission juridique de l'APN a apporté des changements aux axes fondamentaux du projet de loi, convenus entre le ministère de la Justice et le conseil de l'Union nationale des barreaux d'Algérie. Ces modifications ont vidé le texte de sa substance», s'alarme Me Sellini qui crie «à la trahison». Les dix barreaux sur les 15 que compte l'union ont, en plus des sit-in, décidé de boycotter, pendant une heure de temps, les audiences. Les robes noires affirment, à l'unanimité, qu'à travers ce nouveau projet de loi, le gouvernement veut affaiblir la défense pour faire de la justice «une chose manipulable». «Ce sont les avocats qui sont visés directement par cette loi qui est étrange à la mouture finalisée avec la chancellerie. Les gens qui sont derrière ce nouveau projet de loi veulent instrumentaliser l'institution judiciaire», déplorent les avocats. Maître Benissad fustige les auteurs de la manipulation. «Ce texte, qui est en retrait par rapport aux libertés, a été revu et modifié à notre insu par la commission juridique de l'APN. Il s'agit là d'un geste très grave qui répond à des desseins hautement politiques», pense l'orateur. Ce dernier est persuadé qu'il existe un courant au sein du pouvoir qui veut à tout prix museler la corporation et mettre la profession sous la tutelle du ministère de la Justice. Par ailleurs, le bâtonnier d'Alger annonce la radicalisation de leur action si les députés approuvent le texte de loi. D'ailleurs, aujourd'hui, un autre sit-in sera organisé au siège de la cour d'Alger et Sellini menace qu'au cas où le projet de loi est voté dans sa mouture actuelle, une grande marche sera organisée à Alger pour dénoncer «le peu d'égards» accordé aux droits de la défense. «Les avocats ne baisseront pas les bras même dans le cas où le texte sera adopté dans sa mouture actuelle par le Parlement, Nous organiserons un mouvement à travers tout le territoire national et nous collecterons des signatures pour la révision du texte», prévient-il. Notons que la marche prévue du tribunal Abane Ramdane vers l'APN a été annulée. «Nous ne pouvons pas nous permettre la liberté de sortir dans la rue», indique Me Sellini en évoquant une éventuelle manipulation de leur action. Vote aujourd'hui à l'APN
Les députés procéderont aujourd'hui, en séance plénière, au vote du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. Le texte sera, malgré la protestation de la corporation, approuvé par les députés. Le président de la commission des affaires juridiques de l'APN défend le travail de son instance et estime que le texte a été débattu par les concernés en présence des experts en la matière. Notons que les travaux de cette session de printemps seront clôturés dimanche prochain.