Si les témoins vivants s'accordent à regretter dix neuf chahids et des dizaines de blessés côté ALN, le bilan macabre est beaucoup plus lourd côté armée coloniale. La bataille d'Iamouren a été commémorée, vendredi 28 juin, à Iguirvane par une foule nombreuse constituée d'officiers de l'ALN, des autorités locales, de représentants de l'ONM et de l'ONEC de la région, d'animateurs associatifs et des habitants de la commune d'Ighram.«Le 28 juin 1958 s'est déroulée ici même à Iguirvane une bataille sanglante que l'histoire de la révolution armée retiendra eu égard aux sacrifices consentis suite aux hauts faits d'armes qui y ont été enregistrés», affirme Karim Lahdiri, fils de Chahid et animateur de la cérémonie. Des rescapés de cette épopée se sont succédé au micro pour témoigner de vive voix et relater aux enfants de l'indépendance les circonstances dans lesquelles les combats se sont déroulés. Le Colonel Dellys Abdallah s'en souvient comme si cela datait d'hier : «C'était une journée ensoleillée comme celle d'aujourd'hui. Après la perte du Lieutenant Lahlou à Tikjda, la 2e compagnie de choc composée de pas moins de 140 combattants bien armés s'est retrouvée la veille de la bataille à Ighil Guilef, dans le douar d'Ighram. Nous étions regroupés à la Medersa au moment où une quinzaine de camions ennemis arpentant la vallée de la Soummam nous ont été signalés. S'en est suivi un accrochage entre l'ALN et l'armée française qui a duré jusqu'à la tombée de la nuit. Le lendemain, après notre repli du versant ouest vers le versant est, les combats s'y sont poursuivis toute la journée, de 6h à 21h». L'orateur ajoutera que «Les avions nous faisaient de l'ombre tellement ils étaient nombreux. L'ennemi nous a bombardé avec l'artillerie lourde à partir d'Azaghar et nous a arrosés avec du napalm, une arme non conventionnelle de destruction massive». Si les témoins vivants s'accordent à regretter dix neuf chahids et des dizaines de blessés côté ALN, le bilan macabre est beaucoup plus lourd côté armée coloniale, puisque, soulignent-ils, les hélicoptères n'ont pas arrêté d'évacuer leurs morts et blessés pendant trois jours. Mezouari Md Larbi, officier de l'ALN, était à ce moment-là responsable sanitaire à l'infirmerie d'El Mechta, un village situé à un jet de pierre en amont d'Iguirvane : «j'ai soigné environ soixante dix blessés dont des brûlés au napalm. Le Général De Gaulle ne nous a pas octroyé l'indépendance comme l'affirment certains, nous l'avons arrachée car beaucoup de sang a été versé». Les présents invitent Ben Maâmar Chabane à prendre la parole. Il se lève non sans peine, visiblement affaibli par la maladie et affirme avoir été brûlé au napalm de la tête jusqu'aux pieds. Les cicatrices de ses brûlures au visage et aux mains laissent entrevoir dans ses yeux une souffrance inextinguible. Il nous fera remarquer avoir déserté l'armée française à l'âge de 22 ans avec le grade de Caporal-chef pour rejoindre le maquis. Après avoir reçu les premiers soins à El Mechta, il a été évacué à Akfadou où il a été pris en charge pendant deux mois avant de finir sa convalescence dans des abris durant l'année 1959. Azzi Abdelmadjid, combattant de l'ALN, acquiesce : «nous étions avec Si Amirouche à Akfadou, à l'hôpital et Poste-Commandement de wilaya, quand nos agents de liaison nous apprirent qu'une grande bataille s'est déroulée à Iamouren. Le napalm a été utilisé pour la première fois à Iguirvane car nous n'avons pas vu de brûlés auparavant. Nous les avons soignés jusqu'à leur guérison». Le fils de Chahid Akilal Djamal n'a pas manqué de rendre hommage, pour sa part, aux femmes combattantes mais regrette néanmoins qu'après le lourd tribut consenti et tant de souffrances, des martyrs célibataires soient, à ce jour, non reconnus officiellement comme Chahids.