Le colonel Mouammar Al Kadhafi a dépêché hier son envoyé spécial, auprès du président de la République, pour tenter sans doute de détendre l'atmosphère entre les deux pays, suite à sa saugrenue initiative de constituer le « Grand Sahara ». En outre, Ahmed Keddaf Edam est arrivé hier à midi à Alger et a été reçu en audience par le président Bouteflika, avons-nous appris du ministère des Affaires étrangères. Bien que, officiellement, on n'ait pas commenté l'objet de ce tête-à-tête, il est loisible de conclure à une volonté de la Libye et de son guide de dissiper le nuage qui a assombri le ciel « diplomatique » entre les deux pays au lendemain de la dernière trouvaille géopolitique du leader de la Djamahiria. En effet, le 12 avril dernier, le dirigeant libyen s'est distingué, en appelant les habitants du Sahara, principalement les tribus qui y vivent, à se réunir dans un ensemble formant « le Grand Sahara » qui s'étendrait du Sénégal à l'Irak en vue, d'après lui, de « protéger la région du Sahel des visées néocolonialistes ». Il n'en fallait pas plus pour soulever l'ire des autorités algériennes qui ont dénoncé la manœuvre du voisin de l'ouest, considérant à juste titre qu'il fourrait son nez là où il ne fallait pas. Depuis, un froid s'est installé entre Alger et Tripoli comme à chaque fois que le guide perd sa boussole et propose des projets aussi rhétoriques que fantasmagoriques. Un mois après sa sortie tonitruante, le guide libyen semble revenir à de meilleurs sentiments. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'arrivée de son envoyé « très » spécial, histoire de clore cet incident diplomatique de trop. Pourtant, l'Algérie et la Libye entretiennent d'excellentes relations, même si Mouammar Al Kadhafi a cycliquement courroucé les autorités algériennes par ses sautes d'humeur et ses déclarations à l'emporte-pièce. Des sources informées confient que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, aurait très mal réagi aux propos de Al Kadhafi. Cela est d'autant plus plausible que ce dernier a finalement décidé de calmer le jeu en envoyant son collaborateur pour certainement s'excuser de son grand écart discursif et rassurer son homologue sur ses intentions. C'est dire que la fermeté de l'Algérie a dû donner à réfléchir au guide libyen si habitué à traîner dans la boue ses frères arabes sans coup férir. Curieusement, l'arrivé de l'envoyé spécial de Al Kadhafi intervient au moment où un début de polémique commence à se faire jour autour de l'exploitation de la nappe albienne située sur la frontière algéro-libyenne et algéro-tunisienne, comme l'a rapporté hier notre confrère El Khabar. Le pays d'Al Kadhafi est ainsi soupçonné de pomper la nappe pour alimenter son fameux « lac artificiel » en violation des engagements pris par les comités de suivi des trois pays qui se sont entendus sur le principe de « limiter l'exploitation de cette nappe » et d'assurer l'équité dans sa répartition. Le chargé de la communication du ministère des Ressources en eau, M. Benbouaziz dément, quant à lui, l'existence d'un quelconque différend, estimant que les trois partenaires l'Agence nationale des ressources hydriques (ANRH) pour l'Algérie, la Direction générale des ressources en eau (DGRE) pour la Tunisie et la Général Water Agency (GWA) pour la Libye « travaillent dans de merveilleuses conditions ». Mieux encore, notre interlocuteur assure que l'Algérie n'a demandé ni par la voie diplomatique ni via un organisme technique la suspension de l'exploitation du projet. C'est dire que les relations entre l'Algérie et la Libye, à la lumière de ces éclairages, ne semblent plus nager en eau trouble...