Un bébé décède d'hypothermie, les uns banalisent l'incident et les autres le condamnent. Suite à la mort subite d'un nourrisson- pupille de l'Etat- de trois mois (né le 28 mai 2013, avec son frère jumeau), samedi 10 août courant au centre de l'enfance assistée de Batna qui accueille des enfants de 0 à 6 ans, une enquête a été diligentée par les services compétents de la sûreté de wilaya, apprend-on de sources concordantes, qui précisent que le bébé a été évacué en urgence à 4h 30 (du matin) au CHU Touhami Benflis, de Batna, situé à 600 m de la structure d'assistance. Il a été déclaré mort d'une hypothermie qui a rendu le bébé complètement «bleu». Une information donnée par la police et confirmée par la directrice du centre. Estimant que la mort du nourrisson est survenue dans des conditions douteuses, le médecin légiste a pratiqué une autopsie. Sous réserve, nous apprenons que des prélèvements y ont été effectués et envoyés au laboratoire scientifique de Constantine, pour confirmer ou infirmer la présence de substance soporifique. Par ailleurs, des sources policières indiquent que la directrice de l'établissement ainsi que la chargée de garde en question ont été entendues par les éléments du 10ème arrondissement de la sûreté de wilaya, dans le cadre d'une enquête préliminaire qui débouchera ou non sur des poursuites judiciaires. Selon la directrice du centre, Naziha Châabna, le nourrisson est resté sous surveillance médicale jusqu'au 3 avril 2013, date de son transfert à l'établissement de l'enfance assistée, sis à Batna au quartier 742 Logements. Sa santé était jusque-là stable, sauf qu'il souffrait avant son arrivée au centre, d'une hernie ombilicale, a-t-elle précisé. Mais d'un autre côté, des sources dignes de foi affirment que les qualifications professionnelles de la femme chargée de la garde de nuit des enfants en bas âge ne dépassent celles d'une ouvrière professionnelle (OP) et qu'elle ne dispose d'aucune formation médicale ou en puériculture; elle justifie juste de 25 ans d'ancienneté, seul critère lui permettant de bénéficier du statut de garde d'enfants en bas âge qui l'autorise à les surveiller et à les nourrir. Qu'est-il arrivé au juste ? Plus grave encore, les mêmes sources affirment que les bébés particulièrement agités la nuit, sont endormis à l'aide d'un sirop somnifère, et que c'était le cas pour celui-là. «Ce nourrisson n'était pas forcément fragile, mais il faisait partie de ces enfants qui ont besoin de plus d'attentions que d'autres, aussi était-il perturbé, surtout le soir», assure-t-on. A ce propos, les deux femmes ont lors de leur interrogatoire, décliné toute responsabilité les impliquant dans ce drame. A la question de savoir s'il y a eu négligence, la directrice de l'établissement, avec laquelle nous nous sommes entretenus, a clamé haut et fort avoir fait «correctement son travail» et qu'elle a «la conscience tranquille». Elle s'étonnera même qu'on accorde autant d'importance à ce cas. «Ce n'est pas la première fois qu'un enfant assisté décède», dit-elle. Se référant à ces compétences de psychologue, elle explique que certains nouveau-nés en manque de tendresse maternelle sont dans «l'auto-destruction». Ils refusent de vivre. Elle explique aussi que les mères qui ne désirent pas ces enfants avalent toutes sortes de médicaments et de produits toxiques pour interrompre leur grossesse, mais que dans beaucoup de cas, l'enfant arrive à terme, mais non sans conséquences fâcheuses sur sa santé. «A l'adoption des enfants, on ne délivre pas de certificats de bonne santé valide sur la durée, tant les risques sont grands. On recommande vivement le suivi immédiat d'un pédiatre», a-t-elle justifié. Néanmoins, elle dénonce à demi-mot les problèmes de gestion qu'elle rencontre au quotidien. Elle explique qu'à sa désignation en 2006, elle avait trouvé le centre dans un état de fonctionnement déplorable tant le manque de moyens était flagrant, et que le personnel manquait de qualification et de formation. «Le médecin ne travaille que pendant les heures administratives, et on ne dispose pas d'ambulance malgré nos plusieurs demandes», a-t-elle affirmé. Cependant, d'autres sources assurent que «les dons que des âmes charitables adressent à ce centre au profit des orphelins sont souvent détournés ». Qu'en pense la direction de l'action sociale (DAS) ? Ali Maâfifi, intérimaire du DAS, défend bec et ongles cette structure d'accueil «des enfants nés sous X». A notre grande surprise, il affirme que «l'établissement jouit de toutes les commodités nécessaires pour un fonctionnement optimal». Il ira jusqu'à déclarer que cette structure est «réputée au niveau national», et qu'elle accueille et forme le personnel des autres établissements du même genre des autres wilayas. A notre question de savoir ce qui est prévu en cas de négligence avérée, il répondra qu'une sanction administrative sera appliquée aux personnes concernées. Il n'a évoqué «la possibilité de poursuites judiciaires» qu'après la réunion d'un conseil de discipline. Par ailleurs, nous apprenons que des personnes profondément préoccupées du sort de ces êtres innocents, ont informé, il y a deux jours, la cellule de communication du ministère de tutelle de cette affaire. Les mêmes sources évoquent également l'existence dans ce centre de «pratiques équivoques» sur les enfants de plus de 5 ans, qui s'en seraient plaints. Nous sommes indéniablement face à des cas de laisser-aller terrible et d'intolérable incurie vis-à-vis de ces enfants qui n'ont pas demandé à venir au monde.