Onze nourrissons sont décédés à l'hôpital de Djelfa, dont neuf de déshydratation. Leur point commun est qu'ils sont nés sous X, c'est-à-dire de mères célibataires. Révélée par la Ligue des droits de l'homme de Laghouat et médiatisée par El Watan Week-end du 3 décembre, ces morts n'ont fait l'objet d'aucune enquête judiciaire locale. Le directeur de l'hôpital et le responsable de la direction de l'action sociale (DAS) se sont rejetés mutuellement la balle sur la (ou les) responsabilité(s) de cette tragique affaire. Par ailleurs, les ministères de la Santé et de la Solidarité et accessoirement de la Famille se sont confinés, à ce jour, dans un silence inexpliqué, voire troublant. Seule une association, l'Association algérienne enfance et familles d'accueil bénévoles (AAEFAB) a décidé de se constituer partie civile. S'il y a eu des négligences ayant entraîné les décès, elles doivent être cernées par les autorités compétentes et punies selon la loi. La mort de neuf bébés de déshydratation était-elle inévitable ? Des experts médicaux devront se prononcer comme sur les causes ayant entrainé la mort des deux autres enfants. La direction de l'hôpital a-t-elle signalé immédiatement les naissances sous X à la DAS et celle-ci a-t-elle assuré le suivi régulier de leur état de santé, en gardant à l'esprit de transférer les bébés non malades dans une pouponnière de la wilaya ou des régions limitrophes, s'il n'y en a pas une de disponible à Djelfa ? C'est la règlementation qui fixe cette feuille de route et, apparemment, sans préjuger des conclusions d'une éventuelle enquête, celle-ci n'a pas été scrupuleusement respectée. C'est généralement le non-suivi de cette procédure qui est la cause majeure, à l'échelle nationale, des décès d'enfants abandonnés dans les structures sanitaires dont le taux reste anormalement élevé. La coordination fait souvent défaut entre les structures sanitaires, les DAS et les pouponnières, celles-ci étant tenues de les prendre en charge jusqu'à trois mois, âge à partir duquel les nourrissons peuvent être placés dans une famille d'accueil, s'il n'ont pas été récupérés, entre-temps, par leur mère biologique, ce qui arrive dans 30% des cas. La question des bébés handicapés reste, elle, lancinante, car les pouponnières où ils sont placés n'arrivent pas à les prendre en charge médicalement car non outillées pour cela. De manière générale, les enfants abandonnés ne bénéficient pas d'une attention suffisante des pouvoirs publics, même si des progrès ont été enregistrés ces dernières années. Il manque un texte juridique fort (un statut) qui les aiderait à grandir et à s'épanouir et surtout les protégerait quelque peu (ainsi que les mères célibataires et les familles adoptives) du regard hypocrite et méchant de la société algérienne. Celle-ci voit toujours les bébés nés sous X comme le fruit du péché et, par conséquent, voués à être occultés et dépouillés de toute identité. Des non-êtres ou des sous-êtres. Il y en a 3000 qui naissent chaque année, un chiffre en hausse constante.