Parfaitement orchestrée, la 70e Mostra de Venise suit son cours. Mais presque à chaque vision d'un film en compétition, on se dit : «A quoi bon, à quoi sert ce genre de production…?» Venise (Italie). de notre envoyé spécial
L'option est désormais claire pour le jury de Bernardo Bertoluci. Il lui faudra probablement choisir pour le Lion d'Or entre le film algérien et le film israélien, des sujets forts, filmés dans Es Stouh et Ana Arabia par Merzak Allouache et Amos Gitai. A ce jour, ni l'un ni l'autre n'ont encore été montrés au Lido. Mais voir un film pathétique, funèbre, comme celui du Canadien Xavier Dolan, intitulé Tom à la ferme (le titre est déjà un poème…) ou encore le bizarre, cacophonique film américain The Zero Theorem de Terry Gilliam, on désespère totalement et on se dit que la sélection cette année a certainement eu des problèmes, certains bons films sont allés au Festival de Toronto qui commence ces jours-ci. Il reste donc pour le jury très peu d'options. Ce serait fort étonnant que le film francais de Philippe Garrel obtienne ses faveurs. C'est en lisant les sujets d'Allouache et Gitai qu'on devine qu'ils ont fait sans doute des œuvres fortes, avec plus d'envergure que ce qu'on a déjà vu jusqu'ici. Si Allouache ou Gitai décroche le Lion d'Or 2013, ce serait un scoop sans précédent à la Mostra, une nouvelle retentissante. Pour la première fois, les productions américaines seraient balayées et d'ailleurs ce serait une bonne justice. Allouache et Gitai sont donc dans le même bateau, ils se ressemblent par leur travail. Tous deux vivent en dehors de leur pays et leurs films respectifs ne plaisent pas aux bureaucrates bornés qui dirigent les secteurs de la culture chez eux. En Algérie, on ne pardonne pas à Merzak Allouache d'avoir fait Le repenti et Normal. Cette fois-ci avec Es Stouh, cela risque bien d'être pareil. Dans son film, il y a cinq histoires qui se passent sur des terrasses d'immeuble dans cinq quartiers d'Alger, de Bab El Oued au Télemly, aux heures des cinq prières…On peut imaginer les conflits, les querelles, la violence qui quitte la rue pour se nicher sur les toits. Très beau sujet. Sujet très intéressant aussi dans Ana Arabia d'Amos Gitai, qui fait la chronique du village d'Umm el-Fahm où vivent côte à côte Palestiniens et Israéliens, musulmans et juifs et où on voit un couple menant une vie normale, une femme juive survivante de l'Holocauste mariée à un Palestinien musulman. Ce sont des thèmes pareils qui remuent l'histoire, la société, le quotidien des familles qui méritent grandement de se voir primés.