Initié par le club de réflexion et d'initiative (CRI) et organisé jeudi dernier au Centre national de formation du personnel pour handicapés (CNFPH) à Constantine, le débat sur les religions et les civilisations a été très instructif et édifiant à plus d'un titre, de par la qualité des interventions et l'importance du thème, dans une conjoncture internationale sensible marquée par ce qu'on désigne comme étant « le choc des civilisations ». A cet effet, la noble initiative du CRI est venue à point nommé, du moins pour l'Algérie, afin de lancer à partir de Constantine un débat nécessaire sur l'importance du dialogue entre les religions monothéistes, rappelant que ces trois cultes coexistaient il n'y a pas si longtemps sur le Vieux-Rocher. Tel a été d'ailleurs le message émis par les intervenants, que ce soit le professeur Belkadri, président du CRI, Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris ou enfin J-L. Allouche, rédacteur en chef de Libération. Tous étaient d'accord pour dire que les religions n'ont d'autre alternative que de cohabiter les unes aux côtés des autres, que c'est une responsabilité partagée des politiques et des religieux, ainsi que des sociétés civiles, d'enseigner cette tolérance, qui n'est guère utopique, car ayant existé dans un passé récent. A cet effet, M. Khaznadar, philosophe et historien à l'université de Constantine et A. Merdaci, chercheur universitaire ont saisi l'occasion pour revenir sur des faits historiques qui nous interpellent sur l'universalité de l'histoire de la ville du Vieux-Rocher, à travers toutes les civilisations qu'elle a connues. L'intervention du président du CRI abondera dans ce sens, disant : « Nous devons assumer notre passé culturel et civilisationnel avec toutes ses composantes religieuses qui ont existé à un moment ou un autre, sans pour autant nous détourner de ce que nous sommes devenus » précisant par la même occasion que nul ne peut s'ériger en tuteur de l'histoire de la ville et que « Constantine n'a pas plus de mari que la Vierge Marie (n'avait d'époux) ». Dalil Boubakeur dira pour sa part : « L'Islam ne doit pas tourner le dos au monde et nous devons nous tourner vers le dialogue, car le dialogue donne vie aux cultures et à la mémoire, laquelle mémoire donne vie au passé avec ses hauts et ses bas. » Et de rappeler que la tolérance et le dialogue entre les religions sont incontournables dans la concrétisation de la paix au monde. Enfin J-L. Allouche, s'exprimant en tant que juif et fils de Constantine, remerciera le CRI pour sa démarche qu'il a qualifiée d'importante et prometteuse et se remémorera avec l'assistance de ses années d'enfance lorsque musulmans et juifs cohabitaient en paix ensemble. Et d'affirmer : « Les juifs ont vécu de longues périodes en paix avec les musulmans, notamment lors de l'époque ottomane au XVe siècle où des milliers de juifs furent chassés d'Espagne et généreusement accueillis au Maghreb. » Enfin, au fil des interventions et des débats grandissait l'espoir de voir cette tolérance et le dialogue entre les religions tant énergiquement prônés par les intervenants, devenir une réalité, puisque tout le monde reste convaincu que c'est la seule voie pour la paix dans le monde. A noter que la conférence coïncidant avec la commémoration de la mort des moines de Tibhérine, Mgr Tessier, invité par le CRI, n'a pu faire le déplacement à Constantine.