Le nouveau président iranien, Hassan Rohani, un conservateur modéré élu en juin dernier, a réussi, à New York où se tenait cette semaine l'Assemblée générale ordinaire des Nations unies, la prouesse diplomatique qu'aucun de ses prédécesseurs avant lui n'a osé envisager, même du bout des lèvres : renouer le contact politique avec les Etats-Unis après une brouille de 35 ans. Alors que les présidents, américain Barack Obama et iranien Hassan Rohani s'étaient superbement évités dans l'enceinte des Nations unies sans s'ignorer, comme les observateurs l'ont opportunément relevé, en s'appuyant sur les déclarations de bonne volonté que se sont échangés les deux chefs d'Etat à la tribune de l'ONU sur leurs visions des relations internationales, coup de théâtre : un entretien téléphonique a eu lieu vendredi entre les deux hommes, quelques minutes avant que le président iranien ne s'envole pour Téhéran. Dans l'entourage de M. Rohani, on s'est empressé d'affirmer que c'est le président Obama qui a pris l'initiative de ce contact téléphonique que la presse iranienne n'a pas hésité à qualifier d'«historique». Preuve de la gestion politique très sensible de ce contact politique au plus haut niveau, eu égard aux réactions mitigées qu'il a suscitées au sein des opinions publiques iranienne et américaine, prises de court par cette diplomatie des petits pas. D'ailleurs, comme attendu, le président iranien n'a pas été accueilli à l'aéroport de Téhéran à son retour au pays que par des couronnes de fleurs. Des opposants à tout rapprochement avec Washington ont scandé, à son arrivée, des slogans aux cris de «Mort à l'Amérique», «Mort à Israël» gratifiant même le président iranien d'un audacieux jet de chaussure rappelant la mésaventure irakienne de l'ancien président américain George Bush. En revanche, les partisans de Rohani ont accueilli leur leader en héros, présentant politiquement cet événement comme une victoire de la diplomatie iranienne qui a fait plier l'Amérique. D'ailleurs, les hauts responsables iraniens n'ont pas tardé à monter au créneau pour prendre le relais de la diplomatie en anticipant sur les interprétations auxquelles pourrait donner lieu cet événement. «Qu'ils ne croient pas que nous sommes sous pression et fatigués d'avoir résisté. Bien au contraire», a lancé le président du Parlement, le conservateur Ali Lardjani. La presse iranienne, au ton habituellement enflammé contre les Américains, se veut, elle aussi, pragmatique et relève «la fin d'un tabou vieux de 35 ans». Connaissant la nature du régime islamique iranien dominé par le clergé, il ne fait aucun doute que le discours nouveau de Téhéran relevé par les observateurs à la faveur de l'arrivée de M. Rohani à la tête de l'Etat a l'assentiment du guide suprême, Ali Khamenei, et des instances dirigeantes iraniennes, notamment le Conseil de discernement qui incarne le pouvoir suprême en Iran. Au-delà des discours de circonstance, rien pour le moment n'a filtré sur les concessions faites par les deux parties pour provoquer ce déclic qui inquiète Israël et qu'il ne faut prendre, pour le moment, que pour ce qu'il est. Une volonté partagée de briser le glacis qui sera mis à l'épreuve à la faveur de la relance, à la mi-octobre, de la rencontre des 5+1 sur le nucléaire iranien convenu à New York, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies. Ce sera le premier test de vérité après les bonnes intentions affichées à New York par Obama et Rohani.