La volonté du gouvernement d'élargir la tripartite à des représentants nouveaux dans le monde de l'entreprise, à l'image de l'Union nationale des investisseurs (UNI), ou Nabni, n'a pas été du goût de ses partenaires économiques traditionnels. Certaines organisations patronales qui se présentent comme plus représentatives du monde des employeurs que d'autres estiment que cet élargissement remet en cause la tripartite comme forme de dialogue social. «Si on doit appliquer la loi 90-14 (sur l'exercice du droit syndical) et reconnaître clairement qui sont les partenaires économiques et sociaux en fonction de cette loi, certaines organisations patronales n'auraient même pas le droit d'assister à la tripartite», nous dit le président de l'une des confédérations patronale. «Les statuts sont différents entre les partenaires économiques et sociaux (syndicats) conformément à cette loi et les autres organisations qui n'ont pas ce statut». Pendant longtemps, le Forum des chefs d'entreprise (FCE) n'a pas participé à la tripartite du fait notamment qu'il n'avait pas le statut de syndicat. Pour sa part, l'UNI, nouvellement agréée, «a souhaité faire partie des partenaires sociaux, les partenaires économiques et sociaux (signataires du pacte national économique et social) ainsi que le gouvernement ont donné leur accord», précise une autre source patronale. Cette tolérance vis-à-vis des nouveaux venus ne cache pas cependant certaines réserves émises. Mohamed Naït Abdelaziz, président du CNPA, affirme que «le gouvernement est libre d'inviter qui il veut, mais quand on parle de partenaire économiques et sociaux, il y a une loi à respecter». Selon lui, «la tripartite est structurée et répond à des règles. Si on veut élargir, il faut encadrer tout cela et il faut faire les distinctions entre partenaires de la tripartie, c'est-à-dire ceux qui dialoguent et négocient et les autres», autrement dit les observateurs. «Si on nous dit qu'il s'agit d'une conférence nationale, soit, mais on ne peut pas nous imposer n'importe qui. On a déjà commencé à avoir des malentendus, des interférences, et des manipulations». Le président de la CAP, Boualem M'rakech, fait quant à lui preuve de plus d'ouverture d'esprit, affirmant qu'il «ne faut exclure personne si on veut que le pays progresse». Entre ceux qui prônent le dialogue avec tous et ceux qui sont contre, un faussé se creuse sur fond de querelle de représentativité. La CAP se targue d'avoir «un ancrage national, une représentation multisectorielle et 15 fédérations agréées dans 46 wilayas». La CNPA expose le chiffre de 6000 adhérents, contesté d'ailleurs par d'autres organisations, dont 5 unions professionnelles. L'UNI évoque 120 adhérents dans 32 wilayas. L'AGEA parle de près de 1800 adhérents. Le FCE, quant à lui, se dit représentatif à la fin de 2011 de près de 500 entreprises, cumulant un chiffre d'affaires global de plus de 14 milliards de dollars. Atomisation Difficile de jauger du poids de chacune de ces organisations, les plus médiatisées tendant à se présenter comme les plus représentatives et donc les plus à même d'être l'interlocuteur du gouvernement au moment où d'autres font valoir le nombre, voire la vocation. Ainsi, pour le président du FCE, Reda Hamiani, le Forum «a des capacités d'expertise que les autres n'ont pas. Il est plus à même de synthétiser, de faire une meilleure présentation, de revenir sur un lien de causalité». «Notre force c'est de pouvoir présenter de bons documents, compréhensibles et structurés. La différence est là, essentiellement», dit-il. Partant de ce point de vue, l'ancien ministre de la PME voit d'un mauvais œil la profusion d'organisations patronales. «Il y en a trop et cela nuit à l'image du patronat et à son efficacité», dit-il. Une multiplication des organisations introduit «un émiettement, une atomisation et une perte de crédibilité, parce qu'il va y avoir beaucoup de sensibilité». En annonçant son retrait de la coordination du patronat algérien, M. Hamiani avait évoqué la nécessité de «mettre de côté les ambitions personnelles». Une phrase lourde de sens d'autant que dans le milieu patronal, certaines organisations se voient reprocher une «volonté de se positionner en prévision des prochaines échéances politiques». Le FCE «ne fait pas ce calculs», rassure M. Hamiani. Peut-être pas pour le moment, mais quid de l'avenir ? L'on se souvient, en effet, que les organisations patronales ont été nombreuses à annoncer officiellement leur soutien au président Bouteflika pour un troisième mandat présidentiel. Pour l'heure, aussi bien le FCE que le gouvernement devra composer avec cette nouvelle donne de multiplication d'organisations patronales en quête de visibilité. Pour le président de l'AGEA, Mouloud Kheloufi, «cette diversité» ne peut être que bénéfique. «Avant, le gouvernement avait une cinquantaine d'organisations en face, aujourd'hui il a deux coordinations et le FCE», note-t-il.