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« Mettre l'humain au cœur de l'info »
Marie-christine saragosse. Présidente de France Médias Monde
Publié dans El Watan le 11 - 10 - 2013

«Le tour du Maghreb», une série de reportages réalisés sur l'Afrique du Nord qui sera diffusée sur la chaîne d'information France 24. El Watan Week-enden dévoile le contenu.
-France 24 fait le tour du Maghreb à travers plusieurs reportages. Comment est née cette idée de se mettre sur les chemins nord-africains
L'idée de faire une émission qui s'appelle « Le tour de… » est née avec notre couverture de l'élection présidentielle américaine en 2012. On s'est dit, les Etats-Unis, c'est loin, on va aller au plus près. Nous avons réalisé une émission similaire à la faveur du Tour de France cycliste. La caravane de France 24 a fait les 21 étapes du Tour. Les deux émissions ont eu un accueil positif. Le Maghreb est la zone où nous sommes très présents et où nous avons beaucoup de téléspectateurs. Nous avons donc atterri avec notre camion à Tunis. Il y a beaucoup de Français qui sont d'origine maghrébine, les Algériens sont en tête. Ce genre d'émission, ça leur parle. France 24 est sur l'international, mais s'adresse aux Français aussi. Nous savons mieux que d'autres nous adresser aux Français d'origine maghrébine. Parce qu'il y a une familiarité avec le Maghreb.
-France 24 en arabe est bien placé en Algérie, devance même France 24 en français. Quelle en est la raison ?
Il y a tout de même un certain équilibre puisque 30% des téléspectateurs regardent France 24 en français. France 24 en arabe est une chaîne de la Méditerranée qui raconte une actualité qui n'est pas forcément celle des autres chaînes internationales. Elle a un lien fort avec les pays du Maghreb. La plupart des journalistes qui travaillent dans cette chaîne viennent du Maghreb… Le point de vue est donc influencé par notre histoire, notre géographie, notre culture. Je crois qu'au Maghreb, on veut dire qu'il n'existe pas qu'un seul point de vue arabe qui viendrait de l'Est…
-Plusieurs nouvelles émissions ont été lancées ces dernières semaines sur France 24. Est-ce une manière de s'adapter à l'accélération des événements politiques dans la région arabe ?
Au début, France 24 arabe ne diffusait que pendant quatre heures. Avec les événements en Tunisie (en 2011), le volume horaire a augmenté et la chaîne est passée à 24 heures. Actuellement, nous travaillons sur les plateaux de France 24 arabe pour les rendre plus beaux et plus spacieux. On veut que cette chaîne devienne très forte, il fallait par conséquent travailler sur le contenu. Nous avons donc lancé «L'heure du Maghreb», «Le journal des journaux», «Le débat des capitales»… Nous avons obtenu de l'Union européenne que l'émission «L'Europe dans tous ses états» soit aussi diffusée en arabe. Nous avons le souci de booster le signal arabophone, parce qu'il y a un vrai enjeu autour du monde arabe actuellement. Il faut donc être présent. Cela dit, il existe des innovations pour les autres signaux de la chaîne. Nous avons ce souci de mettre l'humain au cœur de l'info…
-Et comment se passe le travail avec les gouvernements. Y a-t-il des pressions, des interdits, des blocages ?
La liberté d'expression et la liberté de la presse ne sont malheureusement pas une denrée universelle. Il nous est arrivé d'avoir des journalistes mis en prison ou blessés. Je vais bientôt me rendre en Côte d'Ivoire parce que le gouvernement a décidé de décorer, à titre posthume, un journaliste de RFI qui avait été assassiné d'une belle dans la tête lors des événements tragiques dans ce pays. La Côte d'Ivoire veut tourner la page. La liberté d'expression est un combat perpétuel (…).Nous n'avons pas de difficultés au Maghreb. Au contraire, nous sommes accueillis à bras ouverts ici. A Alger, j'ai eu des discussions sans langue de bois avec les ministres (Tourisme, Culture, Affaires étrangères, Communication) et le Premier ministre. On s'est tout dit, on s'est bien compris.
-Vous envisagez de lancer un programme de formation en Algérie. Qu'en est-il ?
La télévision et la radio algériennes projettent de créer un centre de formation pour les métiers du son et de l'image. C'est un projet algérien. Mais nous pouvons avoir des échanges. Au sein de France Medias Monde, nous avons une académie, qui est un centre de formation technique et journalistique. Nous avons proposé d'être le back-office quand la télévision ou la radio algérienne mène des opérations en France à la l'occasion notamment de la prochaine élection présidentielle en Algérie (en 2014). On peut fournir des bancs de montage, des faisceaux : bref, être là pour aider. Inversement, nous aurons besoin de l'aide en Algérie, car on va venir nombreux couvrir l'élection présidentielle. Un rendez-vous important, essentiel (…) Nous avons lancé l'invitation au Premier ministre Abdelmalek Sellal pour qu'il soit sur nos antennes en décembre prochain à la faveur de la visite du Premier ministre français.
-Vous avez lancé aussi une nouvelle émission, « Le débat des capitales»…
Toujours cette idée de proximité, de diversifier nos regards. Je pense que l'objectivité en matière journalistique n'existe pas. Chacun de nous est formaté par sa langue, son histoire, sa culture et son parcours personnel. Donc, comment faire pour assurer le pluralisme ? Il faut délocaliser, sortir de son nombril, aller à la rencontre de l'autre, écouter les experts d'autres pays qui ont un autre regard. Croisons donc ces regards et donnons la possibilité aux téléspectateurs d'avoir une certaine liberté de pensée. C'est pour cela que nous avons lancé le journal des journaux du monde arabe (journaux des télés publiques arabes).
Sur un même sujet, on peut avoir plusieurs analyses. C'est une liberté supplémentaire pour le téléspectateur. Quand on est sur place, dans le pays, on ne voit pas les choses de la même façon… Il est normal que l'Algérie soit le centre du monde chaque mois dans un débat diffusé par France 24, un débat enregistré à Alger. Je sais que nous sommes tous faillibles, la seule façon de ne pas l'être est d'ouvrir le micro à plusieurs personnes (…). En Egypte par exemple, nous avons un projet de coproduire des émissions hebdomadaires. Nous avons déjà une émission coproduite par Monte-Carlo Doualiya et la Radio nationale d'Egypte. Nous voulons développer le même type de projet avec d'autres pays comme l'Algérie. Nous en avons parlé avec le directeur général de l'ENTV.
France 24 ne veut pas confisquer la parole aux télévisions nationales arabes. Nous avons un point de vue donné depuis Paris avec toutes les nationalités représentées au sein de la chaîne, mais ça ne suffit pas. Nous voulons être la télé des télés, permettre à toutes les télés d'avoir une exposition mondiale puisque nous sommes sur les cinq continents. Le canal arabophone de France 24 est dans toute l'Europe, nous sommes en négociation avec les Etats-Unis, France 24 en français est partout dans le monde. Le canal anglophone est reçu par exemple par un quart des foyers indiens. Un canal qui parlera du Maghreb. C'est ce que nous voulons, une mondialisation à visage humain.
-Les antennes de l'audiovisuel extérieur de France (France 24, RFI, Monte-Carlo Doualiya) sont rassemblées dans le groupe que vous présidez. Est-ce une manière de s'adapter à la rude concurrence internationale d'Al Jazeera, Al Arabiya, BBC ou CNN ?
Ces antennes sont rassemblées, pas fusionnées. Je me suis attachée à réaffirmer le positionnement éditorial de chacun des médias. Nous avons un socle de valeurs communes, les valeurs universelles. Certains se retrouvent dans la nouvelle signature de France 24, «Liberté, égalité, actualité», d'autres se retrouvent dans la signature de RFI, «les voix du monde», d'autres dans la signature de Monte-Carlo Doualiya… Sur la même longueur pour des citoyens qui croient à la liberté d'expression, à l'égalité des hommes et des femmes, au respect des conscience. Monte-Carlo Doualiya est une radio avec une forte épine dorsale d'information et une grande crédibilité avec un format généraliste (musique, divertissement, santé...), RFI est une radio d'actualité avec des formats allant au-dela de l'info continue avec des services culturels, économiques et scientifiques. France 24 revendique le statut de chaîne d'info continue avec une rythmique renforcée des journaux. Nous allons renforcer nos moyens dans les contenus plus que dans les infrastructures et les coûts des structures.


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