Long, très long est, manifestement, le voyage des subsahariens. Généralement, il commence aux frontières algéro-maliennes ou algéro-nigériennes, à Agades, le carrefour où s'emprunte l'axe menant à Tamanrasset. Arrivés sur place, les migrants travaillent pendant des mois, voire des années dans les exploitations agricoles, les oasis, les petits bourgs, effectuent des travaux de terrassement, de maçonnerie, plomberie et dans le petit commerce informel. Ce qui leur permet de réunir un petit pécule afin poursuivre la traversée. Certains préfèrent se rendre à Maghnia où ils marquent une halte de plusieurs semaines, des mois, voire des années, dans l'attente du moment propice pour franchir, seuls ou avec l'aide d'un passeur, la frontière marocaine. Cela suppose une périlleuse traversée, car confrontés à la traque des militaires, aux pannes mécaniques, aux maladies (déshydratation, fièvre, colique…), aux aléas climatiques. Les plus hardis, ceux qui parviennent à franchir la frontière algéro-marocaine et atteindre la ville d'Oujda, marquent une autre halte, le temps de reprendre leurs forces, de se réorganiser, de revoir l'état de leur «trésorerie», d'établir des contacts avec les réseaux de passeurs et guetter la meilleure opportunité pour rejoindre l'Europe via différentes routes migratoires. Lesquelles ? A la lecture du tracé dressé il y a quelques années par un groupe de géographes et sociologues suédois et belges mandatés par l'Agence européennes de surveillance des frontières Frontex, elles sont au nombre de trois. La première fait que de Oujda, les subsahariens prennent la direction de la ville de Nador d'où ils peuvent soit atteindre l'enclave espagnole de Melilla, soit les cotes proches de Malaga et Almeria (Espagne). Nombreux sont ceux qui effectuent le parcours vers les rivages de la méditerranée à pied, et ce, en suivant le tronçon gazier algéro-espagnol. La deuxième route la plus prisée mais aussi la plus dangereuse et la plus surveillée a comme point de départ la ville de Tanger et mène vers Sebta ou les côtes de l'Andalousie. Au moins 6000 à 7000 personnes ont, à ce jour, laissé leur vie sur cette route maritime. La troisième route est entamée à partir de Fès, Rabat ou Casablanca. Sur place, des réseaux d'intermédiaires, à structure mafieuse, confient les migrants subsahariens aux filières de passeurs qui les prennent en charge avant de les convoyer par camions et pick-up vers la ville d'Agadir où se prépare une autre traversée. Le cap sera, cette fois-ci, mis sur les îles Canaries. Et, c'est au gré des contrôles, des moyens financiers, des filières, du contexte général et des points de chute que se fixe le choix de l'itinéraire à emprunter. Pour les moins intrépides, le voyage se termine en Algérie. Les uns restent à Maghnia, les autres se dirigent vers les villes côtières du nord algérien, se retrouvant forcés de s'y installer durablement. S'éloignant de jour en jour, le rêve européen s'est, au finish, avéré une folle chimère.