Un décor improvisé évoquant un bistrot, une serveuse qui déambule sur un fond musical assuré par un accordéoniste et un guitariste accompagnateur. Une des images types du Paris des années 1950 que le groupe Swingo Musette, invité par l'Institut français, a voulu restituer sur la scène démesurée de l'auditorium du Méridien à Oran. Pour son entrée de jeu, un homme, un client (Bébert) interpelle la serveuse (Kathy): «Eh ! dites… » L'air étonné, elle lui répond : «Vous m'avez appelée Edith ?» Le jeu de mot expliqué, un dialogue s'établit : «Je suis née le 10 octobre 1963, c'est le jour où elle est morte. Qui ? Edith. Edith qui ? Edith Piaf !» Tout le monde l'aura compris, tout le spectacle est dédié à la chanteuse française la plus connue dans le monde, et la petite mise en scène qui se poursuivra tout le long de la soirée semble avoir été imaginée que pour introduire les titres et, plus subtilement, les thématiques qui ont rendu célèbre la «Môme». Ce sera d'abord Les amants d'un jour puis L'accordéoniste. Le client trouve l'entrée de jeu un peu triste, «des histoires d'amour qui finissent mal». Mais la serveuse a plus d'un titre au fond d'elle et sait que, comme dans la vie, il y a des moments de mélancolie, de tristesse, d'autres de joie et c'était juste avant d'enchaîner avec Mon manège à moi. Le client pense avoir compris que pour chaque nuance d'émotion, son interlocutrice dispose d'une chanson qui l'exprime. «Pour chaque situation, ce sont les mots de Piaf qui me viennent à la bouche», lui précise-t-elle, en acquiesçant à l'idée que tous ces airs lui collent à la peau et l'obsèdent (ici c'est pour introduire Padam Padam) au même titre que les mots, à l'instar de ceux qui composent La vie en rose, un portrait sans retouches de l'homme qu'elle aime. Seulement le client, particulièrement exigeant, trouve ce registre trop romantique et revient à la charge pour réclamer du blues, quelque chose de tragique. A cette injonction, la serveuse enlève son tablier blanc pour mieux mettre en valeur sa robe noire et réplique avec Milord. Seule concession de la soirée, La Java de Cézigue est chantée par l'homme qui nous apprend que le titre a été interprété en 1936 lorsque Piaf n'avait que 18 ans. «ça sent Paris, ses chansons, ses rues, ses rencontres», constate la serveuse qui reprend le micro avec Sous le ciel de Paris et sa belle mélodie. La capitale française était aussi connue pour ses «petits cafés, ses troquets, où l'on rencontrait des gens et que souvent on écoutait raconter leur vie comme au cinéma». Une image nostalgique pour introduire Johnny tu n'es pas un ange et, plus loin, La foule qui unit et sépare pour dire que «l'histoire d'amour la plus forte et la plus intense ne dure pas longtemps». Pourtant, Piaf nous rappelle toujours : «Qu'on soit riche ou sans un sou/ sans amour on n'est rien du tout». En réponse à la possibilité de devenir célèbre, la serveuse, qui «au fond du café a bien trop à faire/Pour pouvoir rêver», rappelle que Piaf était aussi une toute petite-fille livrée à elle-même dans les rues de Paris, que c'était aussi une femme entourée d'alcool, de drogue et d'hommes qui en voulaient à son argent, à son talent, à sa célébrité. «C'est ça que je dois regretter ?», s'interroge-t-elle, laissant le public deviner le titre de la chanson suivante. Non je ne regrette rien aurait logiquement clos le spectacle, mais les Swingo Musette ont répondu à l'appel du public avec L'homme à la moto et le spectacle s'est finalement achevé sur L'hymne à l'amour.