L'ambassadeur du Maroc, Abdallah Belkeziz, qui a finalement écourté son séjour à Rabat, a été soumis hier à la «question» au niveau du ministère des Affaires étrangères, dans le sillage de la grave violation des locaux du consulat d'Algérie à Casablanca. Dans une déclaration du ministère des Affaires étrangères rendue publique au terme de cette audition, il a été rappelé à l'ambassadeur du royaume du Maroc la «demande pressante» formulée, vendredi dernier, auprès du chargé d'affaires de son ambassade pour obtenir le «plus rapidement possible» des explications circonstanciées sur «la violation inacceptable des locaux consulaires algériens à Casablanca et la profanation impardonnable de l'emblème national, le jour même de la célébration du déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er Novembre». Et comme on pouvait s'y attendre, l'envoyé du roi n'a pas été chargé de présenter les excuses de son gouvernement pour le grave préjudice moral et symbolique causé à l'Algérie. Abdallah Belkeziz s'est contenté, hier, d'exprimer les «regrets de son gouvernement», souligne la déclaration du ministère des Affaires étrangères. L'ambassadeur a informé le département de Ramtane Lamamra que le ministre des Affaires étrangères du royaume du Maroc s'était entretenu avec l'ambassadeur d'Algérie à Rabat le jour même de la violation de l'enceinte consulaire algérienne pour «condamner cet acte inadmissible». Il a aussi assuré que le mis en cause, ce désormais tristement célèbre fauteur de troubles, Hamid Enaânaâ, l'homme par qui le scandale est arrivé, a agi seul et qu'il est aux arrêts en attendant d'être présenté, le 20 novembre, devant le procureur. Suffisant pour éteindre le feu de la colère en Algérie ? Pas sûr. Des «regrets» mais pas d'excuses Pas certain aussi que l'aveu d'un «acte inadmissible» par l'ambassadeur non assumé publiquement et encore moins assorti d'excuses, comme l'exigent les usages diplomatiques en pareilles circonstances, fasse retomber la tension. Autant dire que cette plaidoirie du représentant du Maroc n'a pas vraiment convaincu les responsables algériens qui lui ont signifié que l'Algérie «n'accorde pas de crédit à la thèse de l'‘‘incident isolé'' et encore moins au ‘‘fait divers''». M. Lamamra et ses collaborateurs en veulent pour preuve «des éléments visuels de preuve entourant le double forfait perpétré par un individu faisant partie d'un groupe de manifestants hostiles à l'Algérie et à ses hauts responsables». Une façon de signifier, presque diplomatiquement, que l'Algérie est quasiment convaincue que le coup était prémédité, voire commandité. Il est donc clair que le ministère des Affaires étrangères ne compte pas s'arrêter en si bon chemin dans sa volonté de se faire justice après la provocation de Casablanca. Signe de cette volonté de tirer cette affaire au clair, le MAE a demandé officiellement à l'ambassadeur marocain que les autorités algériennes soient associées, «selon une forme appropriée et conformément à la pratique internationale», à l'enquête pour déterminer les faits et s'assurer que les suites appropriées ont été engagées après cet incident «particulièrement grave». La responsabilité du Maroc engagée A l'appui, le MAE a rappelé à l'ambassadeur que les autorités marocaines ont, en vertu de «l'article 31 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires», l'obligation spéciale de prendre les «mesures nécessaires pour protéger les locaux consulaires et empêcher qu'ils ne soient envahis et que la paix du poste consulaire ne soit troublée ou sa dignité amoindrie». La déclaration du MAE suggère ainsi que l'Algérie pourrait être amenée à se plaindre auprès de l'ONU. Le département de Ramtane Lamamra n'a pas manqué de souligner à l'ambassadeur «toute la responsabilité du gouvernement marocain» dans la création du «climat de tension et d'escalade» qui prévaut actuellement. Il lui a également réaffirmé la «nécessité d'une prise de position claire et sans équivoque de sa part quant à l'impératif du respect des symboles de l'Etat algérien en toutes circonstances». L'ambassadeur du Maroc, qui n'était pas en mesure de répondre aux demandes algériennes, a pris note, d'après nos sources, le temps d'en référer à son gouvernement. C'est donc une «fin et suite» de cette minicrise diplomatique entre Alger et Rabat, surtout que le souverain alaouite a commis une entorse tout aussi grave aux us diplomatiques en manquant à son devoir de présenter les vœux de circonstance au peuple algérien à l'occasion du 1er Novembre. Au lieu de ce geste de détente, il a hélas préféré tirer un feu nourri contre l'Algérie et son emblème avant de se tirer à… Abu Dhabi.