Dans l'indifférence générale, la faculté des Sciences (Bastos) de Tizi Ouzou a été prise en otage pendant près de deux mois par des étudiants en colère. Face au retard occasionné, des enseignants envisagent un semestre blanc, même si l'administration annonce déjà sa validation quelles qu'en soient les conséquences. Mais, le moindre mouvement de contestation à l'avenir annulerait à coup sûr l'année. Décryptage. La Faculté des sciences de Tizi Ouzou risque l'annulation du semestre en cours, de surcoit l'année universitaire. Une longue série de jours de contestations, animée par des étudiants, met à mal l'université Hasnaoua 2. Alors que les formalités administratives du début de l'année n'étaient pas encore complètement assurées (transferts, inscriptions, orientations…), mi-octobre, des étudiants fraîchement inscrits en deuxième année de sciences techniques et sciences mathématiques contestent les résultats d'orientation et bloquent l'accès à la Faculté. Ils étaient une vingtaine, selon des enseignants, une petite dizaine, d'après le doyen de la Faculté des sciences, Omar El Kechai, à empêcher, durant plus de quatre semaines, leurs collègues de tous les paliers, les enseignants et les administrateurs d'accéder au bâtiment des sciences. Les étudiants en colère avaient refusé leur orientation pour la deuxième année, en dehors du premier choix pour lequel ils avaient opté dans leur fiche de vœux, à savoir l'informatique. «Les affectations se font par une commission dite d'orientation présidée par le vice-recteur de l'université sur la base des moyennes des étudiants, de leurs vœux et de la disponibilité des places pédagogiques dans chaque département. On ne peut pas inscrire tous les étudiants dans la même filière en seconde, c'est insensé», commente le doyen dépité. Concession Face à l'intransigeance des protestataires et la durée du blocage, l'administration cède. Elle trouve un moyen «légal» mais exclusif pour calmer la vingtaine révoltée. «On a dit aux étudiants affectés dans d'autres spécialités, comme la recherche opérationnelle, de poursuivre leurs études dans cette filière en deuxième année, et en même temps de refaire les matières de première année (tronc commun) où ils ont eu moins de 10/20. Ainsi, s'ils réussissent, l'année prochaine, ils pourront rejoindre la filière informatique», explique Omar El Kechai, dépassé par les évènements.Mais à peine cet épisode fermé, un autre mouvement similaire est déclenché. Mêmes pratiques et mêmes réclamations observées cette fois pour l'accès à la filière de génie civil. «Depuis le séisme de 2003, cette spécialité est très demandée, car elle offre des débouchées certaines sur le marché du travail», nous renseigne un enseignant de la faculté des sciences. Résultats, 700 étudiants demandent à l'intégrer alors qu'elle offre seulement 250 places pédagogiques. «Une équation impossible à résoudre même pour des super-mathématiciens», ironise une responsable. Dimanche, la porte d'accès à la Faculté des sciences était obstruée par une trentaine de jeunes qui filtraient le passage. Ils laissent pénétrer uniquement les enseignants et les responsables d'administration mais pas les simples agents ni leurs collègues étudiants. Intransigeance «On est en grève depuis huit jours. On nous a mal orientés et on revendique notre droit de suivre les études qu'on veut», explique Rachid, étudiant en 1ère année en ST/SM qui a refusé de s'inscrire dans la filière à laquelle il a été affecté. «Nous sommes 17 irréductibles dans ce cas. Les quelque 500 autres ont accepté leurs sorts, mais nous on luttera jusqu'à satisfaction de nos revendications, il y a des étudiants d'autres filières qui nous soutiennent», poursuit-il. «C'est une nouvelle forme de violence», dénonce de son côté le doyen. «Moins d'une vingtaine d'étudiants bloquent trois département, et plus de 4 500 de leurs collègues. Ils veulent imposer eux-mêmes leurs noms sur les listes d'orientation», dénonce Omar El Kechai. «L'impunité et le laxisme de l'administration ont engendré tout cela», assure un enseignant de la fac. Le conseil scientifique de la faculté a tenu une assemblée générale le 19 novembre. Les membres désignent des délégués, des enseignants, pour dialoguer avec les étudiants grévistes. Le PV sanctionnant l'AG dénonce des «concessions administratives» et la «violence» de la contestation estudiantine. Les enseignants font même planer le spectre du semestre blanc. Le spectre «Comment peut-on assurer les cours d'un semestre normalement constitué de quatorze semaines en moins de cinq semaines ? C'est du domaine de l'impossible. Et si le semestre est validé, la qualité de la formation sera certainement déplorable», conteste l'un d'eux. Interpellé sur cette menace, l'étudiant gréviste rétorque : «Ce n'est pas de notre faute. Le retard est dû aux grèves précédentes. En plus, les résultats des recours n'ont été affichés que le 19 novembre, aucun des 680 déposés n'a recu de suite positive. Et il faut dire aussi que tous les étudiants ne sont pas encore inscrits. Qu'on arrête de nous coller tout sur le dos, il y a à peine quatre jours que le département de mécanique (épargné par le blocage) a commencé les cours.» Dimanche, le recteur de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou a reçu des délégués des enseignants, des étudiants contestataires et de ceux opposés au mouvement pour calmer la situation. Le vice recteur chargé de la formation supérieure de graduation, Mitiche Moh Djerdjer, rencontré le lendemain, assure que l'administration n'a rien cédé, et que les choses devaient rentrer dans l'ordre suite à un dialogue concluant ainsi que l'implication des enseignants et des étudiants non grévistes. «Ils ont eu le même traitement que les étudiants d'informatique. Ils sont tenus de faire un double effort s'ils veulent réussir l'année prochaine, car l'affectation se fait en toute transparence par un système bien rodé, installé l'année dernière. C'est un arrangement de la loi, basé sur la moyenne de classement.» S'agissant de l'éventualité d'un semestre blanc, le responsable assure : «Il n'y aura pas d'année blanche. L'université de Tizi Ouzou a toujours connu ces situations, mais on s'arrange toujours grâce à la collaboration de tous ses acteurs». Le jour-même, selon un enseignant, le département de génie civil était encore bloqué par les étudiants.