L'université est en ébullition. La rentrée universitaire risque d'être sérieusement perturbée et l'année va être plus difficile que la précédente. Les mouvements de protestation ont été entamés depuis plusieurs jours par les étudiants des universités de la capitale. L'affichage des résultats de la fin de l'année ont créé un mouvement de colère chez les universitaires qui menacent de monter le ton si des solutions ne sont pas trouvées. A Dély Brahim, les étudiants observent une grève depuis quinze jours. Ils passent la nuit à l'intérieur de la faculté en signe de protestation contre la gestion de l'université des sciences économiques qu'ils jugent «dérisoire». Les étudiants de 1re et 2e année LMD ainsi que ceux de 3e et 4e année du système classique sont les premiers concernés par la protestation. Plusieurs placards sont affichés à la porte d'entrée de la faculté, dénonçant le mode de gestion de cet établissement. «Administration faillible», «des étudiants perdus», «Nous demandons nos résultats et nos droits», ont-ils écrit sur les affiches. «Le doyen de la faculté a pris une décision il y a environ un mois sur la gestion des défaillances (notes éliminatoires) mais cette décision n'a pas été appliquée par certains enseignants, ce qui fait que la situation de plusieurs étudiants reste en suspens et surtout ils risquent d'être recalés en raison de cette note qui n'a pas été levée conformément à la décision», diront les étudiants du système classique. Ceux de 1re année LMD affirment que la loi leur permet le passage en 2e année en cumulant un crédit de 30 points. Ce qui n'a jamais été respecté dans leur université en dépit de l'existence de cet article dans la loi instaurant le régime LMD. «Ils refusent de l'appliquer et obligent les étudiants à avoir beaucoup plus que ce qu'exige la loi», disent-ils. L'application de la moyenne de 8 sur 20 pour le rachat des étudiants de 2e année classique alors que ceux du LMD sont tenus d'accumuler 90 unités fondamentales a été à l'origine de la colère des étudiants qui dénoncent la ségrégation appliquée par l'administration entre les étudiants et le non-respect de la réglementation en vigueur. Les étudiants remettent en cause la façon dont est gérée leur faculté. «Les étudiants ne sont informés de rien du tout. Leurs notes se perdent et ils ne trouvent aucun moyen pour les récupérer. La cheffe du centre des notes a fini par démissionner de son poste après qu'elle n'ait pu supporter l'anarchie dans laquelle elle a été obligée de travailler et surtout les fortes pressions exercées sur elle», diront les étudiants grévistes. «Nous sommes toujours mis devant le fait accompli. Nous n'avons pas vu les affichages de nos notes d'examens de rattrapage. Nos recours ne sont pas pris en charge. Nous n'avons pas le droit de voir nos copies. Les erreurs de frappe ou d'introduction des notes dans le système informatique ne sont jamais rectifiées. Nous ne pouvons plus continuer dans ces conditions», ont-ils indiqué. Les étudiants ont également dénoncé le harcèlement et la violence pratiqués contre les grévistes par les services de sécurité de la faculté. «Un de nos collègue a été blessé à la tête par un agent de sécurité pendant le mouvement», ont-ils raconté. Les parents des étudiants sont également inquiets du sort de leurs enfants. Une maman se trouvant au milieu des grévistes a affirmé que son fils a décidé d'arrêter ses études dans cette université car il ne pouvait plus supporter l'anarchie qui y règne. «Il n'a pas trouvé ses notes. L'administration lui a demandé d'aller à Kharouba pour les récupérer et là, il n'a rien trouvé. Je me suis déplacée ici pour comprendre le problème. Je ne suis reçue par personne pour m'orienter ou m'expliquer. Les étudiants sont perdus et ne trouvent pas d'écoute. A qui doivent-ils s'adresser en cas de problème ?», a-t-elle demandé. «Faites une marche, faites de la politique, rien ne change» Les étudiants affirment qu'ils été reçus par le recteur de la faculté. Les rencontres n'ont pas abouti à des résultats satisfaisants. «Il a affirmé qu'il n'est prêt à rien changer. Il nous a dit si vous voulez organiser une marche vers le ministère de l'enseignement, faites-le, si vous voulez faire de la politique, allez-y, rien ne va changer cette situation», diront-ils. En l'absence de solution, les étudiants préparent une grande marche au courant de la semaine prochaine à qui d'autres étudiants des autres universités vont se joindre. «Ils nous a même menacés de nous recaler si on ne met pas fin à notre mouvement de protestation d'ici la fin de la semaine ; alors on compte réagir plus efficacement sur le terrain», diront les étudiants. Nos tentatives pour joindre la direction de la faculté sont restées vaines. La même situation est constatée au niveau de l'université de Bouzaréah après que les étudiants du département de langue anglaise aient déclenché une grève illimitée depuis plusieurs semaines. Ils contestent les critères de rachat arrêtés par la commission pédagogique et validées par le conseil scientifique de l'université, qui privera une grande partie d'entre eux de passer au rang supérieur. «Ce sont des conditions que nous avons découvertes cette année et qui nous ont choqués car ils priveront une bonne partie des étudiants de la réussite ou du passage», ont-ils affirmé. La gestion du passage pose ainsi un grand problème dans ce département où chacun explique les normes retenues dans l'établissement des moyennes à sa manière. «Il n'y a pas un barème fixe et clair. C'est l'anarchie totale», diront-ils. Les étudiants ne comptent pas cesser leur mouvement de grève et interpellent les responsables pour trouver une solution afin d'assurer un lancement normal de l'année universitaire en cours. A la direction de l'université d'Alger 2, M. Ouzeguela Abdelkarim, chargé de communication, a affirmé que ces décisions ont été prises lors de la réunion du conseil scientifique tenue le 26 octobre dernier. «L'étudiant peut passer à l'année suivante avec deux modules en dettes. Le rachat est appliqué pour les étudiants de 2e et 3e année du régime classique qui ont obtenu une moyenne de 9,50 sur 20. Pour les étudiants de 4e année, le rachat s'applique à ceux ayant obtenu une moyenne de 9,20 à condition qu'ils n'aient pas trois modules de dettes. Les dossiers seront étudiés au cas par cas. Tout le reste est laissé à l'appréciation de la commission des délibérations», lit-on dans le PV sanctionnant la réunion du conseil scientifique. M. Ouzeguela estime que ces décisions ne sont pas «irréversibles». «Il est possible encore d'ouvrir le dialogue avec les étudiants afin de trouver des solutions rationnelles», a-t-il dit.