L'annonce par l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) de la décision d'exploiter les réserves de pétrole et de gaz non conventionnels est très mal perçue par Chems Eddine Chitour, spécialiste en énergie, professeur émérite de l'Ecole nationale polytechnique. Pour ce scientifique, les gisements potentiels de l'Algérie en gaz de schiste qui sont estimés à 21 000 milliards de mètres cubes sont une façon de faire perdurer la rente. «C'est une nouvelle rente qui se profile», nous dit-il, et «une véritable fuite en avant, car à travers cette décision, on dit aux citoyens il y a du gaz de schiste, continuez à compter sur la rente.» «C'est un drame !», s'indigne encore Chems Eddine Chitour, car, selon lui, «le gouvernement donne à travers le recours à l'exploration des hydrocarbures non conventionnels un très mauvais signal à la population». «Au lieu de dire que la rente est derrière nous et de réhabiliter l'effort et l'économie d'énergie, on ne fait que renvoyer aux calendes grecques une remise en ordre de ce pays.» «Pourquoi sortir le pétrole et le gaz de façon frénétique pour mettre des dollars en réserve dans les banques américaines où ils s'effritent ? Notre meilleure banque, c'est notre sous-sol», clame encore le professeur Chitour. Pour ce dernier, le gaz de schiste n'est cependant pas à bannir éternellement.Au contraire, estime-t il, «son heure viendra dans dix ans, dans quinze ans. Et il sera alors une véritable bénédiction pour les générations futures». Selon notre interlocuteur, «entre-temps, la technologie sera mature et il y aura notamment une meilleure maîtrise de la fracturation hydraulique». Chems Eddine Chitour affirme que le recours au gaz de schiste dans l'immédiat «sera une véritable malédiction pour le pays». Pour le scientifique, il faut plutôt tabler sur le développement durable et préparer une véritable stratégie énergétique au sein de laquelle le solaire, la géothermie, l'hydraulique, le gaz et le pétrole conventionnels mais aussi les hydrocarbures non conventionnels auront une place. Le gros problème pour le professeur, c'est le fait que les autorités ne prennent pas en considération le principe de précaution. Pour lui, il n'est pas prouvé que la fracturation hydraulique soit la meilleure méthode et de ce fait il y aura forcément des dégâts, car la méthode utilisée actuellement nécessite l'utilisation de plus de 600 produits chimiques cancérigènes, des milliers de mètres cubes pour chaque fracturation alors que l'Algérie est un pays en stress hydrique.