C'est un Bouteflika en pleine forme qui est apparu à l'inauguration de la 39e Foire internationale d'Alger (FIA) jeudi dernier, grondant des responsables allemands qui refusent de nous « transférer la technologie » et s'insurgeant contre les intermédiaires des échanges commerciaux algéro-chinois. Récit d'une tournée marathon. En pleine crise algéro-française autour du passé colonialiste de la France, le président Bouteflika a choisi d'entamer sa tournée par le pavillon français. Il ne s'attardera pas devant les stands des entreprises exposantes (plus de 300 sociétés, représentant 55% des entreprises présentes à la FIA). Mais à la sortie du pavillon français, le président algérien et l'ambassadeur français en Algérie, Hubert Colin de Verdière, se retrouvent bras dessus, bras dessous discutant à voix basse. Un ingénieur technique tente de placer un micro. En vain, les agents de sécurité l'écartent d'un revers de la main. Dix minutes durant, ministres, journalistes et gardes du corps sont restés figés, suspendus aux lèvres du Président et de son interlocuteur. Accompagné de son nouveau chef du gouvernement, M. Bouteflika s'est dirigé, après ce bref moment de confidences algéro-français, vers le pavillon italien. L'ambiance est plus détendue. Une hôtesse vient offrir un cadeau au président algérien. « Vous êtes encore plus belle », lui dit-il. L'ambassadeur italien en profite pour souligner qu'une centaine d'entreprises italiennes sont présentes à cette foire, preuve, selon lui, que « les entreprises italiennes s'activent sur le marché algérien ». Dans les travées du salon, les ministres qui accompagnaient le président de la République discutent gentiment. L'on pouvait ainsi apercevoir Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion de l'investissement, El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, Nourredine Moussa, ministre du Tourisme, Mustapha Benbada, ministre de la PME-PMI, Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eau, Tayeb Louh, ministre du Travail ainsi que Mohamed Seghir Babes, président du Conseil national économique et social (CNES). « J'espère seulement qu'il (le président Bouteflika, ndlr) ne cherchera pas après mon secteur », soupire un ministre. Entre-temps, Abdelaziz Bouteflika s'est arrêté devant les pavillons américains (44 exposants), égyptiens (60 sociétés présentes) et africains. Tout au long de sa tournée, le président algérien répétera tel un leitmotiv : « Le climat algérien est favorable au partenariat. » « Le moment est favorable pour la conclusion d'accords de partenariat avec les entreprises algériennes », dira-t-il aux Egyptiens. « Il y a des domaines dans lesquels vous êtes plus avancés que nous (...) Il y a beaucoup d'opportunités, mais la fabrication doit se faire en Algérie. Je vous le dis, l'avenir est dans le partenariat. » En coulisses, Abdelmalek Sellal tente de détendre l'atmosphère en racontant des blagues aux ambassadeurs africains... « Nous voulons traiter avec Pékin directement » Le président algérien, lui, ne s'est pas déridé une seconde. Devant le stand chinois, il s'est élevé contre « les intermédiaires qui font doubler les prix des produits chinois ». « Nous voulons faire connaître aux Algériens le produit chinois avec son véritable coût, je n'ai pas besoin de ces intermédiaires qui font doubler les prix. Il n'est pas normal que les produits chinois passent de 35 DA à 65 DA. Ces gens-là sont malhonnêtes », s'insurge-t-il. Et d'ajouter : « Nous devons acheter les produits chinois directement, nous refusons de passer par les banques de Luxembourg. » Le président Bouteflika a ainsi demandé à l'ambassadeur de Chine à Alger d'informer son gouvernement de la volonté de l'Algérie de « traiter directement » avec Pékin. Quelques encablures plus loin, devant le stand de Volkswagen (pavillon allemand), le président algérien s'est emporté contre les entreprises étrangères qui se contentent d'écouler leurs marchandises en Algérie, faisant savoir que ce genre d'activité commerciale ne profite pas à l'économie algérienne. D'après lui, les pays développés rechignent à dévoiler leurs procédés industriels aux pays du Sud et c'est la raison pour laquelle les entreprises ne nous vendent pas des marchandises issues des pays d'origine. Il explique son point de vue par une formule aussi lapidaire qu'ironique : « Une Mercedes est une Mercedes. Une Mercedes fabriquée en Taiwan n'est plus une Mercedes », assène-t-il. « Que ce soit pour l'automobile ou pour les médicaments, on ne nous donne jamais la vraie formule, les pays développés -pas seulement l'Allemagne- ne jouent pas franc jeu », affirme M. Bouteflika. Et de trancher : « Il y a une malhonnêteté dans le transfert des technologies. » En tout état de cause, la Foire internationale d'Alger connue pour être le plus important événement commercial de l'année devra s'étaler jusqu'au 8 juin et permettre aux hommes d'affaires qui y exposent d'échanger leurs expériences et plus si affinités...