Le Mondial 2006, que les Allemands précisément organisent chez eux, confirmera-t-il cette sentence lapidaire ? Difficile de tracer des plans sur la comète car le football est tout sauf une science exacte. Aujourd'hui, il faut ramener les propos de Guy Roux à une proportion sans doute un peu plus chauvine. Le football est un sport à onze que les Allemands ont toujours gagné contre les Français. Autrement, cette grande nation du football n'est pas absolument prémunie contre la défaite. La preuve : l'Allemagne n'a-t-elle pas été battue par l'Algérie lors de la Coupe du monde 1982 ? Ce n'était, certes, qu'un accident de parcours, car les Algériens se faisaient éliminer au premier tour, alors que les Allemands sont arrivés en finale. Chose qui ne surprend pas les connaisseurs, car, depuis 1954, et le titre ravi à la prestigieuse équipe de Hongrie, l'Allemagne a durablement dominé le football mondial et disputé la suprématie mondiale au Brésil. Ce sera très certainement le cas lors de ce Mondial 2006, qui, pour les puristes, ne peut être conclu que par une sublime affiche Allemagne-Brésil, qui serait en fait un remake du Mondial 2002, disputé au Japon et en Corée du Sud. Une autre finale entre les deux pays ne ferait pas le seul bonheur des puristes. Elle consacrerait la réussite éclatante du Mondial 2006 qui n'aurait de sens que si l'Allemagne va au bout de l'épreuve. Son élimination précoce provoquerait la désaffection du public dans les stades allemands et le manque à gagner serait considérable tant sur le registre de l'impact populaire que sur le plan économique. Un Mondial sans les Allemands dans le dernier carré manquerait de piquant. L'Implacable rigeur allemande C'est dans l'intérêt de l'épreuve qu'ils aillent le plus loin possible. Cela ne signifie pas qu'ils vaincront sans péril. Les autres équipes en lice ont, elles aussi, des arguments à faire valoir, et les observateurs regarderont, à cet égard, du côté des équipes sud-américaines, qui s'attacheront à bousculer l'ordre établi. Il s'agit, plus particulièrement, encore d'équipes comme celles de l'Equateur ou du Paraguay, qui montent en puissance et restent, avec une remarquable constance, dans la foulée du Brésil et de l'Argentine. On pourrait en dire autant des équipes de Corée du Sud, du Mexique et même de celle des Etats-Unis, dont on relève qu'elles sont devenues incontournables dans cette grande compétition mondiale. La plupart de ces équipes ont intégré la culture footballistique européenne, car elles sélectionnent des joueurs qui font les beaux jours des championnats européens, à la notable exception de l'Arabie Saoudite. On ne peut, ainsi, plus affirmer qu'il y a une identité footballistique propre à chaque pays participant à cette Coupe du monde 2006. La grande équipe du Brésil, à un élément près, ne compte dans ses rangs que des professionnels évoluant en Europe, et, pour beaucoup d'entre eux, dans le championnat allemand. L'effet de surprise est moindre, car le football est devenu prévisible du fait de la circulation des footballeurs, toutes nationalités confondues, à travers le monde. Les staffs des équipes en lice dans ce Mondial 2006 n'ignorent absolument rien des forces et faiblesses de leurs adversaires potentiels. Le football, pour paraphraser cette formule célèbre, est un jeu à onze qui ne laisse plus de place à la spontanéité et à l'improvisation. A ce niveau, l'implacable rigueur allemande est connue. La seule grande inconnue de ce Mondial 2006 est l'équipe de Trinité et Tobago, qui a décroché son jeton de présence au Mondial allemand, à la surprise générale. Sans insulter l'avenir, aucun observateur n'envisage que cette sympathique équipe, pour laquelle l'important est de participer, puisse aller en finale. Autrement, aucune des équipes qualifiées ne part battue par avance. Au Mondial 2002, personne n'accordait la moindre chance au Sénégal : les Lions de la Teranga infirmèrent tous les pronostics. L'Afrique est, elle aussi, éligible à la consécration dans le haut niveau. Il y a aussi les équipes européennes aguerries comme l'Italie, l'Angleterre et le Portugal qu'il convient de regarder avec respect. Autant de raisons de ne pas se précipiter et prédire, avant même le coup d'envoi du Mondial 2006, une finale Allemagne-Brésil. C'est la sanction du terrain qui primera. Car le football est en fait un jeu à onze où n'importe quelle équipe peut gagner pour peu que les règles du jeu soient respectées de part et d'autre. Cela s'appelle la morale sportive.