«La Hollande peut faire une défense de fer avec des Hollandais, mais pas le Brésil avec des Brésiliens» C'est toujours un plaisir de faire parler Guy Roux sur le football, car il vous dit tout ce que vous ne savez pas encore de ce sport ! Son œil d'expert n'a pas faibli d'un iota, malgré le poids des ans. Bien qu'il donne l'air d'être un peu fatigué, l'icône du football français reste alerte et taquin. Maradona en prend pour son nouveau grade d'entraîneur. Car selon Guy Roux, n'est pas sélectionneur national qui veut. Même pas un ancien génie comme Diego Maradona qu'il dit estimer encore, mais juste comme footballeur. «J'ai moins d'estime pour l'entraîneur d'occasion qu'il est !», nous a-t-il confié sans sourciller. Dans ce court entretien qu'il nous a accordé en marge de la signature de partenariat entre France Football et la FIFA, pour unir leurs deux distinctions en un seul et unique Ballon d'Or FIFA, Guy Roux n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour dire les choses comme il les voit. A sa manière, quoi ! Dommage qu'on n'ait pas pu aller plus loin, car chaque mot de ce monsieur est un enseignement de plus. Jugez-en de vous-même ! Que retenez-vous de ce Mondial, avant les demi-finales (entretien réalisé lundi en marge de la conférence annonçant la naissance du nouveau Ballon d'Or FIFA, ndlr)? Moi, j'ai apprécié l'équipe d'Allemagne qui s'est révélée comme une équipe technique, mobile et pleine de rythme et de variétés, avec de beaux buts. La Hollande, par contre, est moins séduisante même si elle est très, très efficace. Qu'est-ce qui ne vous plaît pas dans cette équipe des Pays-Bas ? Je ne l'aime pas parce qu'elle représente le contraire de ce qu'est le football hollandais en réalité. Ce n'est pas le football total, c'est le football minimal. Et celle d'Espagne, vous aimez ? Elle n'est pas au niveau qu'on lui a connu à l'Euro qu'elle a brillamment remporté. Mais elle va peut-être progresser à travers le match ou les deux qu'il lui reste. Ne pensez-vous pas que l'Espagne joue à la manière des handballeurs en faisant circuler le ballon face aux défenses adverses ? Oh, vous savez, beaucoup d'équipes font ça maintenant, toutes les équipes agissent de cette façon aujourd'hui. Vous aimez cette façon de jouer ? De toute manière, on ne peut pas faire autrement parce qu'il y a une défense de zone très forte et une plus grande maîtrise du ballon dans les pieds. Ce qui différencie le handball du foot, c'est qu'on ne tient pas le ballon. Aujourd'hui, les joueurs ont une habilité pour le tenir dans les contrôles, dans la conduite, dans les passes. Donc, effectivement, on attaque de droite à gauche, on revient en arrière puis on recommence. Ça ressemble un peu aux attaques en handball, effectivement. N'est-ce pas lassant à la fin ? Non, parce que les bonnes équipes arrivent justement à… (il cherche le mot) Percuter ? Oui, à percuter et pénétrer dans la zone de vérité. C'est là que c'est intéressant. On a tout vu à ce propos, on a vu des débordements, des mises hors de position totales par plusieurs équipes, notamment l'Allemagne, avec des conclusions du plat du pied d'un joueur qui arrive. Non, ça n'empêchera pas la qualité du jeu. Qu'est-ce qui a changé dans ce Mondial, par rapport aux éditions précédentes ? C'est difficile de changer sans arrêt. Vous savez, on n'innove pas, on crée des modes. C'est comme les jupes, on fait cinq ans de courtes puis on revient à cinq ans de longues. Ensuite, si on n'a que des jupes longues, on n'a qu'une solution, c'est revenir aux jupes courtes ! Un mot sur cette équipe du Brésil qui est rentrée prématurément chez elle ? Elle a été un peu trop bridée à mon avis. Les Brésiliens ont cru qu'en jouant avec une défense de fer, ça suffirait. On ne peut pas jouer contre nature. La Hollande peut faire une défense de fer avec des Hollandais, mais pas le Brésil avec des Brésiliens. Les Brésiliens ont fait une grande erreur, contre le Chili ils se sont grisés. Laquelle ? Ils ont réalisé un match formidable avec des montées de Lucio, de Maicon et Bastos, mais alors qu'ils menaient 2-0 puis 3-0, ils n'avaient qu'à rester tranquilles et attendre le match suivant. Le Mondial se joue tous les quatre jours, il faut savoir s'économiser. Les Brésiliens ne l'ont pas fait, le match suivant ils étaient fatigués, cuits. Ils ont logiquement mal joué. A votre avis, pourquoi des joueurs comme Messi et Ronaldo n'ont pas pu exprimer leur talent dans cette Coupe du monde ? Je dirai presque que c'est parce qu'ils étaient dans des équipes trop faibles. C'est pourtant difficile de dire que l'Argentine et le Portugal sont faibles. Mais bon, je me contenterai de dire que j'ai une immense estime pour un ancien grand joueur qui s'appelait Maradona et aucune estime pour un entraîneur d'occasion qui s'appelle aussi Maradona. Qu'avez-vous aimé chez les coaches de ce Mondial et qu'est-ce que vous avez détesté ? Ce que je n'ai pas aimé, c'est Maradona, ce que j'ai aimé, c'est Joaquim Löw, l'entraîneur de l'équipe d'Allemagne. Qu'est-ce qui fait la différence entre ces deux entraîneurs ? Déjà le résultat entre leurs deux équipes. 4-0, ça explique bien des choses. Et comment reconnaît-on un bon entraîneur d'un mauvais ? Ce serait trop long à expliquer. Je n'ai pas beaucoup de temps aujourd'hui pour faire une dissertation. Je vous le dirai la prochaine fois.