Le dialogue entre Bamako et les rebelles toureg est l'otage du choix du médiateur : le président malien préfère voir Alger prendre le relais du Burkina Faso, par contre, les responsables de l'Azawad (MNLA) misent, eux, sur le Maroc. Le dialogue entre le gouvernement malien et les rebelles touareg, prévu par l'accord de Ouagadougou du 18 juin 2013, a du mal à s'engager. Et pour cause, les deux parties n'arrivent toujours pas à s'entendre sur le choix d'un médiateur. Alors que le président Ibrahim Boubacar Keïta semble préférer voir Alger prendre le relais du Burkina Faso, les responsables du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) misent clairement sur le Maroc, à défaut des «bons offices» de Blaise Compaoré. La direction du MNLA a d'ailleurs refusé, le 19 janvier dernier, de se rendre à Alger pour mener, avec d'autres groupes rebelles du nord du Mali, des discussions exploratoires ayant pour ordre du jour la relance du dialogue intermalien. Mais parallèlement, les responsables du MNLA ont fait des pieds et mains pour être reçus en audience par Mohammed VI, le roi du Maroc, afin de solliciter son «accompagnement». Cette audience a fini par avoir lieu, vendredi dernier. Visiblement partisan du «tout, sauf l'Algérie», le MNLA a expliqué, dans son communiqué sanctionnant l'audience accordée par le souverain marocain à son secrétaire général, Bilal Ag Acherif, qu'il est décidé «à engager une diplomatie active auprès de tous les Etats soucieux de la paix et de la stabilité dans notre région en vue de dépasser les blocages et l'impasse dans lesquels le gouvernement du Mali est en train de mettre dangereusement le processus politique en cours». Bref, aux yeux du MNLA, l'Algérie n'est pas le partenaire idéal pour réaliser ses «aspirations». Mais il n'est pas certain, aussi, que le Maroc ira jusqu'à se brouiller avec Bamako pour les seuls beaux yeux de la rébellion touareg, dont le poids sur le terrain a considérablement diminué.Les échos parvenant du nord du Mali montrent que le MNLA n'est pas la seule «partie» à ne pas aimer prendre l'avion pour Alger. Certains acteurs du Mouvement des Arabes de l'Azawad (MAA), de la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR) et du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), dont les représentants avaient pourtant admis le principe d'une médiation algérienne, ont dernièrement fait machine arrière. Des éléments du MAA et du HCUA ont même fini par dénoncer la rencontre d'Alger, arguant que ceux qui y étaient en leur nom ne les représentaient pas. Le porte-parole de la CMFPR, maître Harouna Toureh, qui avait fait le déplacement à Alger, sera d'ailleurs tout bonnement démis de ses fonctions. Le plus étonnant, dans ce revirement, est que ce premier tour de table sur la crise malienne avait été organisé à la demande de Bamako et des groupes rebelles du nord du Mali. Pour quelle raison donc tous ces groupes rebelles veulent-ils évincer l'Algérie du règlement de la crise malienne ? Pour le moment, ni le MNLA, encore moins le MAA et le HCUA n'ont clairement motivé leur position de rejet. En l'état actuel des choses, la seule partie à tirer profil de la volte-face targuie est, bien entendu, le Maroc qui a longtemps cherché à jouer les bons samaritains dans la région. Pragmatique qu'il est, le roi Mohammed VI saisira certainement la perche que vient de lui tendre le MNLA – qui veut absolument en faire un parrain du dialogue intermalien – pour d'abord renforcer son influence en Afrique de l'Ouest et tenter, ensuite, d'imposer son armée dans l'architecture sécuritaire du Sahel, une région avec laquelle le Maroc n'a aucun continuum géographique. Mais nous n'en sommes pas encore là. Le statu quo qui caractérise actuellement la crise malienne pourrait convaincre aussi les uns et les autres de s'en remettre, in fine, à l'ONU. Mais dans tous les cas, il est très difficile d'imaginer que l'avenir du Sahel puisse se décider sans l'Algérie. Et cela, tout le monde le sait. A commencer par le MNLA.