Les différents protagonistes de la crise malienne, aidés par les pays du champ, multiplient depuis peu les contacts pour préparer le premier round des négociations directes sur l'avenir des populations du septentrion malien, comme prévu par l'accord intérimaire de paix signé à Ouagadougou à la fin du mois de juin dernier. Et le moins que l'on puisse dire est que les choses ont plutôt l'air de bien avancer. Preuve en est que des représentants de groupes armés touareg, arabes et noirs du Nord-Mali se sont déjà engagés, selon un mémorandum d'accord signé cette semaine à Bamako, à «cesser d'utiliser la violence comme mode d'expression» et d'ouvrir le dialogue avec le nouveau gouvernement malien pour mettre fin à la crise politico-militaire que vit le nord du Mali depuis près de deux ans. Et l'intérêt de cette «séquence» réside dans le fait que les signataires du document sont tous des acteurs de premier plan. On y retrouve, en effet, le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut-Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA) et la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR), regroupant deux groupes d'autodéfense. La réunion de ces différents groupes armés a eu lieu à l'initiative de l'Unité de fusion et des liaisons (UFL), structure qui regroupe les services de renseignement de 8 pays du Sahel, avec un appui matériel de l'Algérie. Ce «deal» – qui tombe à un moment où la tension est particulièrement vive sur le terrain entre l'armée malienne et les éléments du MNLA – servira certainement de bonne base de départ au nouveau président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, qui s'est fixé comme objectif prioritaire de réconcilier les Maliens entre eux et de parvenir à négocier un accord de paix durable avec les rebelles touareg. Autre élément qui devrait rendre plus faciles les négociations, le MNLA, le HCUA, le MAA et la CMFPR ont réaffirmé, dans une déclaration conjointe, leur attachement au principe de l'intangibilité des frontières telle que consacrée par l'acte constitutif de l'Union africaine (UA). A l'issue d'une rencontre, mardi, avec le nouveau président malien, les représentants de ces groupes armés ont, en effet, particulièrement insisté sur l'idée qu'ils ne parleront plus «de division du Mali». La délégation des groupes armés reçue par le Président comprenait Ibrahim Ag Mohamed Assaleh (MNLA), Hamada Ag Bibi (HCUA), Mohamed Mahmoud El Oumrany (MAA), Harouna Toureh (bien Toureh) et Ibrahim Maïga (CMFPR). Cela veut-il dire que le MNLA a abandonné son projet de négocier une autonomie de l'Azawad ? La tentation de changer complètement de cap semble visiblement exister chez certains de ces leaders. Depuis Ouagadougou où se trouvait, hier, le vice-président du MNLA, Mahamadou Djeri Maïga a tenu, pour ce qui le concerne, à assurer que rien n'avait changé. «Nous ne négocierons rien (d'autre) que l'autonomie de l'Azawad, ou il n'y aura pas de négociations avec les autorités maliennes», a-t-il prévenu. «Nous appelons le président IBK (Ibrahim Boubacar Keita) à ne pas éluder la question de l'autonomie de l'Azawad mais à discuter sur le fond du problème pour un règlement définitif, sinon il risque de tomber dans les mêmes travers que ses prédécesseurs», a ajouté M. Maïga. De son côté, le gouvernement malien aurait refusé d'aller au-delà d'une «décentralisation renforcée». Les déclarations des uns et des autres prouvent donc que le problème reste entier, malgré les poignées de main échangées mardi, et qu'il faudra encore beaucoup «bosser» pour parvenir à un consensus. En attendant justement le début des choses sérieuses – et c'est une bonne chose –, les groupes armés ont décidé d'instituer une cellule de contact et de suivi, constituée des représentants de tous les groupes armés. Celle-ci aura pour mission principale l'élaboration d'une feuille de route qui proposera un programme de rencontres périodiques et «la réflexion sur une plateforme des aspirations légitimes». Bref, tout le monde donne l'impression de vouloir aller réellement de l'avant et de maintenir le contact malgré les divergences. Il s'agit là déjà d'un acquis important, lorsque l'on sait l'ampleur des traumatismes endurés par les uns et les autres. Il reste à vérifier, maintenant, si les bases des groupes armés sont d'accord avec les différentes décisions prises en leur nom. Car, au Sahel, il arrive souvent que les chefs (politique ou militaires) ne soient pas en phase avec leurs «troupes». C'est, d'ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles les accords politiques y ont une espérance de vie relativement courte.