«Je suis révoltée, indignée et attristée que cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, on vienne nous sortir un document fabriqué par le 2e Bureau de l'armée française (renseignement militaire) pour tirer des conclusions que l'histoire et les personnes savent fausses», a déclaré la moudjahida Zohra Drif, lors de l'émission «Expression livre» qu'anime Youcef Sayah sur Canal Algérie, diffusée mardi soir. C'était la première déclaration de Zohra Drif Bitat après les accusations portées publiquement par Yacef Saâdi. Le chef de la Zone autonome d'Alger (ZAA) avait soutenu que Zohra Drif aurait envoyé, en septembre 1957, à Hassiba Ben Bouali, au moment où elle était dans une cache à La Casbah d'Alger avec Ali La Pointe, Petit Omar et Mahmoud Bouhamidi, deux lettres lui demandant de se rendre aux paras français. «J'ai moi-même évoqué ces deux lettres dans mes mémoires. Deux lettres citées par deux historiens français dans un livre», a-t-elle souligné. Zohra Drif, qui vient de publier aux éditions Chihab à Alger Mémoires d'une combattante de l'ALN - Zone autonome d'Alger, fait allusion au livre Le FLN, documents et histoire de Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, paru en 2004 à Paris. «Ces deux lettres sont fausses. L'une est datée de la mi-septembre et l'autre du 18 septembre 1957. Or, à ces deux dates, j'étais libre et je vivais avec Hassiba Ben Bouali, le Petit Omar, Bouhamidi et Yacef. J'ai été arrêtée dans la nuit du 24 septembre 1957 à 4h. Par conséquent, pourquoi j'aurais écrit à Hassiba, qui était avec moi, deux lettres pour lui demander de se rendre ! Je comprends parfaitement que l'armée française, le pouvoir colonial, à l'époque, et même maintenant, voulait nous détruire. Et la plus terrible des destructions est de jeter le doute au milieu des combattants. Nous étions en guerre, donc tous les moyens étaient employés. Tout le monde connaît le rôle du capitaine Léger pendant la bataille d'Alger», a soutenu Zohra Drif. Paul-Alain Léger était un capitaine parachutiste français qui avait servi en Indochine et en Algérie. Il était spécialisé en guerre psychologique au sein du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE, ancêtre de la DGSE). Il serait l'un des architectes de la Bleuite (une opération d'intoxication qui avait mené à des déchirements internes et à des exécutions au sein du FLN/ALN vers 1957). «Léger avait continué sa sinistre besogne au sein des Wilaya III et IV. Nous avons perdu une grande partie de notre élite à cause de lui. Ce que je ne comprends pas aujourd'hui est que certains Algériens continuent d'évoquer de tels documents. Cela veut dire quoi et ça sert qui ?», s'est interrogée Zohra Drif disant qu'elle a refusé de répondre ces derniers jours à Yacef Saâdi pour éviter la polémique. «Une polémique qui ne sert ni mon pays ni la Révolution. Je suis encore vivante et je peux encore répondre. Mais Fatiha Bouhired, veuve du chahid Mustapha Bouhired, a été gravement mise en cause. Elle ne peut pas répondre puisqu'elle est décédée. Fatiha avait fait preuve d'un courage exceptionnel au moment où les paras nous encerclaient. Aujourd'hui, on l'accuse d'avoir remplacé Guendriche (collaborateur de l'armée française) et que les lettres que j'aurais..