Sans annoncer encore sa candidature pour un quatrième mandat, le président Abdelaziz Bouteflika a réussi à semer la panique dans la maison du patronat. Dissensions, accusations, suspicions, les chefs d'entreprises n'ont jamais été aussi tendus. Première victime, le Forum des chefs d'entreprises (FCE) dont la position à adopter face au suspense entretenu par Bouteflika est au cœur des divisions. Certains membres accusent une minorité au sein du conseil exécutif du forum de courir pour le Président sortant, du fait de leurs accointances avec certains partis politiques qui font campagne pour un 4e mandat. Le 10 février dernier, l'assemblée générale de l'association qui devait permettre de déboucher sur une prise de position n'avait pas pu se tenir faute de quorum. Seule une quarantaine de membres y avait assisté sur quelque 500 membres. Le président du FCE, Reda Hamiani, dans un entretien à TSA, déclarait récemment que «la position qu'aura, peut-être, à prendre le FCE, c'est d'inviter le Président à se représenter.» Pour lui, Abdelaziz Bouteflika «devrait assuer un autre mandat pour continuer sa politique économique.» Mais certains membres ne veulent pas qu'on «leur force la main», du moins pas tant que le candidat en question n'aura pas annoncé sa candidature. Parmi ces chefs d'entreprise, certains dénoncent le fait que l'association soit aujourd'hui «noyautée par des partis politiques». L'un des chefs d'entreprise les plus critiques envers la démarche est Slim Othmani, PDG de NCA Rouiba qui met justement en cause «la pression de certains membres» pour pousser le FCE à se «positionner» avant même que Bouteflika «ne se soit encore prononcé». Mais il n'est pas le seul. D'autres déplorent l'influence que tentent d'exercer certains membres du conseil exécutif qui seraient proches des partis politiques activant aujourd'hui à faire campagne pour le Président sortant : le FLN, TAJ et le MPA. En cause, selon une source du Forum, «outre Reda Hamiani, le patron de l'ETRHB, Ali Haddad proche du FLN, Laïd Benamor, PDG du groupe Benamor, proche de TAJ de Amar Ghoul, ainsi que Salah-Eddine Abdessmad, PDG de CEVA Laval (produits vétérinaires), et Mehdi Bendimerad, PDG de SPS Systems (matériaux de construction innovants), tous deux seraient proches du Mouvement Populaire Algérien de Amara Benyounes.» La convocation à une AG extraordinaire a donc été boycottée par la majorité qui y voit une tentative de «passage en force» de «quelques membres» dans le but de pousser le FCE à se positionner dès à présent, nous dit-on dans l'entourage du Forum. Ce que nous n'avons pas pu confirmer ou infirmer auprès de la présidence du FCE que nous avons tentée de joindre, en vain. Contre-courant Si l'annonce de sa candidature pour l'élection de 2009 avait très vite été accueillie par un consensus des organisations patronales et de l'UGTA, la situation est aujourd'hui différente, car à l'époque le Président «n'était pas malade et il n'avait personne en face de lui», souligne un chef d'entreprise. Aujourd'hui, les choses sont différentes, car, nous dit-on au sein du FCE, «il y a plusieurs courants. Ceux qui sont pour Benflis, pour Bouteflika ou pour d'autres candidats ou même pour la neutralité». Toutefois, il semble que la décision finale du FCE, si Bouteflika devait se présenter, sera de «le soutenir. Nous suivrons le mouvement, même si 90% des membres sont contre. Ceux qui le soutiennent ce sont les patrons qui bénéficient directement des richesses et des largesses du système», explique ce chef d'entreprise. Pour autant, il s'agit pour les autres de ne pas aller à contre-courant par peur des représailles. «Le cas de ces patrons qui avaient payé cher leur soutien à Benflis en 2004 et dont certains se sont retrouvés en prison», est encore dans les mémoires. En clair donc, le FCE soutiendra le Président sortant, si tant est qu'il se présente à sa propre succession. Les membres récalcitrants du Forum ne s'opposent pas tant à ce soutien qu'au fait de devoir se prononcer pour quelqu'un dont «on ignore même s'il va se présenter», nous dit-on. La prochaine AG du Forum qui doit se tenir le 26 février prochain tranchera la question et permettra «le passage en force» de ceux qui veulent se prononcer à l'avance. Dans les statuts du FCE, nous explique-t-on, il est prévu que lorsqu'une assemblée est convoquée et n'obtient pas le quorum, la suivante «peut délibérer même si le nombre n'est pas atteint». Seule peut empêcher cette délibération la non-tenue, le 20 février prochain, de la réunion des instances dirigeantes de l'association qui doit servir à préparer l'AG du 26 février. L'objectif serait de gagner du temps, en attendant d'être fixé sur la décision du Président sortant. Le dernier délai pour le dépôt des candidatures à la présidentielle étant prévu pour le 4 mars.