Ne m'étreignez pas….si vous le faites, vous allez me souiller….et si vous me souillez, on ne me respectera plus». Cette sentence-refrain, prononcée par les trois actrices le long de la pièce théâtrale «Ro'a» (visions) n'est que l'expression de femmes, maltraitées, incomprises, humiliées… violées, sans même avoir le droit de le dire. Leurs privations, leurs heurts, leurs souffrances et leurs espoirs sont étouffés par les arrangements sociaux et les conventions tacites. Elles se parlent dans l'intimité et usent de métaphores et d'insinuations. On y voit des oiseaux blancs qui mêlent fables et réalités, on y fait l'éloge de toutes ces femmes fatiguées de braver toutes seules l'absurde et l'irrationnel, on y lit sans trop fouiner dans le texte l'enfant illégitime, dont la mère est condamnée sans appel, on y met en relief les séquelles de décennie noire…bref une rhapsodie de sous-thèmes qui convergent vers la femme : mère, épouse, patrie et amour inaccessible à cause d'une réconciliation ratée. L'œuvre réalisée par Tounes Aït Ali, dont la générale devait se dérouler hier, retrace les grandes lignes d'un théâtre que l'on croyait affecté par un climat de disette générale et une pensée artistique confinée aux seules réflexes bureaucratiques. La réalisatrice qui a donné, jeudi dernier, la primauté du spectacle (avant la générale) aux gens de la presse et à ses invités d'honneur, n'a pas manqué son pari, et c'est l'extase qui était au rendezèvous parmi ces alliés biologiques au 4ème art. Sïid Nasr, professeur émérite de l'école des arts dramatiques de Bordj El Kiffan, présent lors du spectacle, a déclaré ceci : «Je suis satisfait par rapport à la qualité de la pièce qui s'engage dans la voie du théâtre intellectuel qui ne peut en aucun cas s'associer à celui pratiqué dans un but purement commercial. Des acteurs jeunes, donc, capables de former une pépinière pour l'avenir, une scénographie d'une grande qualité, une musique d'accompagnement qui colle merveilleusement au sujet et une dame pionnière qui fait partie des trois réalisatrices renommées au monde arabe, en l'occurrence Tounes Aït Ali…ne peuvent que donner un produit de haute qualité ».