Le sort en est jeté. Irrémédiablement. Ni coup de bluff, donc, ni renoncement de dernière minute. Jusqu'au-boutiste, le président Bouteflika rempile officiellement pour un 4e mandat. Hier, l'homme a fait, himself, acte de candidature devant l'auguste Conseil constitutionnel où il a déposé son dossier de candidature. Fin du vrai-faux suspense. Q'importent le handicap, la santé chancelante, un bilan de gouvernance décrié, l'usure d'un règne long de 15 ans, les attentes et espérances citoyennes, Abdelaziz Bouteflika succombe de nouveau à la tentation du césarisme, aux sirènes du pouvoir, au syndrome de Néron… La voix éteinte, presque inaudible, le visage blême et le regard hagard, Bouteflika a annoncé sa résolution de se porter candidat à sa propre succession. «Je suis venu déposer officiellement ma candidature, conformément à l'article 74 de la Constitution et à l'article 32 à la loi électorale», a-t-il déclaré au président du Conseil constitutionnel. Une déclaration liminaire, expéditive, en guise de sevrage pour plus de 22 mois d'éclipse de l'espace public. C'est la première fois qu'il s'adresse ainsi à ses compatriotes algériens. Depuis son fameux discours de Sétif, le 8 mai 2012, où il était question de «Tab Jenana», interprété comme une invite à passation de témoin, à l'alternance au pouvoir. Tapis rouge pour le Président-candidat dont la réapparition, hier, avant la deadline du 4 mars pour le dépôt de candidature, a alimenté la folle rumeur dans tout Alger. Le président Bouteflika ne le foulera pas de ses pieds ni ne roulera dessus avec sa présidentiable chaise roulante. Précédé d'un convoi de huit véhicules utilitaires, des fourgons transportant, depuis sa permanence de candidat à Hydra, les millions de signatures promises, Abdelaziz Bouteflika est arrivé à 17h à Ben Aknoun, devant le Conseil constitutionnel dirigé depuis septembre dernier par le fidèle Mourad Medelci. Il est conduit derechef dans l'enceinte du Conseil, à l'abri des objectifs des caméras, des regards curieux et indiscrets. La berline transportant son éminence grise, Saïd Bouteflika en l'occurrence, le «frère» et conseiller spécial, suit de près celle du Président-candidat. Dès les premières heures de la matinée, malgré les fortes averses, des nuées de reporters, des dizaines de caméras de télévision faisaient le pied de grue. Le «messie» n'apparaîtra qu'au crépuscule du jour, saluant de la main droite les photographes et arborant un semblant de sourire. Une heure après, l'homme, assis devant, dans sa berline BMW, sort tout sourire, la main haute. Un Ave César pathétique. Quelques youyous fusent. Notamment ceux d'une femme à l'esprit visiblement dérangé qui colle, malgré l'interposition de la garde rapprochée, à la voiture du Président. Le convoi présidentiel s'ébranle, avant de marquer des temps d'arrêt le long du boulevard du 11 Décembre1960. Crépitement des flashs. La séance pose-photo vire au spectacle de Croisette. Nostalgie des bains de foule oblige, Bouteflika ne s'en passera pas, même reclus dans sa voiture blindée. Bouteflika est le 5e postulant à la magistrature suprême après le président du Front national algérien (FNA) Moussa Touati, le président du Front El Moustakbel (FM) Abdelaziz Belaïd, le président du Rassemblement algérien (RA) Ali Zeghdoud et la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) Louisa Hanoune, à avoir déposé son dossier auprès du Conseil constitutionnel. Il est le 7e chef d'Etat et président de la République. A 77 ans, après trois mandats successifs, Abdelaziz Bouteflika poursuit sa fulgurante carrière d'autocrate, ressemblant à s'y méprendre à celle de ses alter ego d'Egypte, de Tunisie, de Libye, les Moubarak, Ben Ali et El Gueddafi, tous déchus dans le sang et la honte.