Visions, la nouvelle pièce de Tounès Aït Ali, se lance sur les traces évanescentes du songe et de l'espoir. Du droit de rêver. Cela peut ressembler à une revendication. Visions, la nouvelle pièce de Tounès Aït Ali, produite par le Théâtre régional de Souk Ahras, est porteuse d'une charge de contestation. La pièce, jouée mardi après-midi au théâtre régional Azzeddine Medjoubi, à Annaba, à la faveur du 3e Festival national du théâtre féminin, a suscité un long débat auprès du public. Le texte de Randa Kolli, sur lequel Tounès Aït Ali, a conçu sa représentation, est écrit en déconstruction. Une déconstruction qui ressemble à un appel à la rébellion contre l'ordre social. Ou peut-être moral, politique, dans la foulée. On est dans un espace qui ressemble à un asile psychiatrique plongé dans une semi-obscurité. Trois femmes sont dans des armoires vitrées, attachées (Sabrina Korichi, Loubna Noui et Hadjer Zerouki). Les armoires symbolisent à première vue les souffrances, les révoltes, les rêves cachés. Elles se libèrent au moment où le gardien (Riad Djefaflia), visiblement livré à ses cauchemars et à ses fantasmes, retrouve le sommeil assis sur une chaise ronde. Tounès Aït Ali règle bien ses comptes avec cet homme sans voix, nonchalant, paresseux, dormant, réagissant que pour «piquer» les «malades» pour qu'elles se calment. L'une d'elle rêve de pigeons blancs descendant du ciel ; l'autre se pose des questions ; la troisième met un voile, se réfugiant dans la pratique religieuse pour, peut-être, se protéger du monde extérieur. C'est une femme qui a perdu sa fille lors des années noires, quelque part en Algérie. A-t-on pensé au nombre d'enfants tués par le terrorisme ? Au nombre de mères traumatisées par la perte de leurs enfants ? « Si tu tentes de les casser, ils te cassent. Pour toi, ça ne va pas tarder !», prévient l'une d'elles. L'autre crie : «Ne me prenez pas dans vos bras, ne me touchez pas, vous allez me salir !» La saleté/propreté est une double idée fort présente dans la pièce, relevant du théâtre de l'absurde, de Tounès Aït Ali qui préfère parler de conception au lieu de mise en scène. Quête de purification ? Il faut le penser. Les trois malades ne cessent de se nettoyer le corps. L'évocation de la puanteur est là également pour souligner ce souci visible dans «la philosophie» de la mise en scène. «Tu ne cesses de dire que tu as mal à l'estomac, soulagez-vous, madame», lance une malade. Et l'autre de répliquer : «A gauche ou à droite.» La chasse est tirée deux fois comme pour évacuer les souillures du temps qui passe ou les mauvaises pensées. La scénographie mouvante de la pièce a créé quelque peu des blancs dans l'harmonie de la pièce. Le surréalisme qui marque parfois la représentation intensifie l'ambiguïté, mais alourdit le jeu. Que cherchent donc ces trois femmes ? Le bonheur ? La liberté ? Le rêve ? La metteure en scène évoque symboliquement la prostitution. Un thème qui, au-delà des clichés et des idées préconçues, mérite un débat ouvert.