L'idée de la nécessité du report de l'élection présidentielle comme ultime action de recours et de salubrité politique pour contrecarrer le forcing du pouvoir en vue d'imposer un quatrième mandat pour Bouteflika fait son chemin dans les esprits. Les appels à l'interruption du processus électoral exprimés ouvertement ou de manière déguisée se multiplient. Les images de Bouteflika humainement difficiles à soutenir et politiquement révoltantes diffusées, lundi, par la télévision algérienne à l'occasion du dépôt de son dossier de candidature devant le Conseil constitutionnel offrent aux anti-Bouteflika de précieuses pièces à conviction pour élargir le front de la contestation. Comment se sortir de l'impasse politique générée par le coup de force de Bouteflika qui a mis devant le fait accompli la classe politique et les forces vives du pays aspirant au changement démocratique fondé sur les principes de l'alternance au pouvoir et de la transition générationnelle. C'est là le fond du débat politique qui agite la classe politique et la société civile partagée sur la nature des actions à entreprendre pour empêcher le naufrage de l'Algérie que l'on associe à un nouveau bail de Bouteflika. Les images peu rassurantes sur la santé de Bouteflika diffusées cette semaine par la télévision algérienne vont contribuer indéniablement à libérer l'action politique, qu'elle soit structurée et partisane ou autonome et citoyenne. Aux actions classiques et politiquement correctes d'appel au boycott du scrutin émanant de certaines forces politiques font écho d'autres plans de bataille appelant ouvertement, ceux-là, à l'intervention de l'armée pour interrompre le processus électoral. D'autres voix incarnées par des personnalités du système, à l'image de Mouloud Hamrouche, ont tenté d'envoyer des messages à l'armée pour aider à la mise en œuvre d'une transition politique sans Bouteflika autour d'un programme d'action et d'un candidat consensuel de substitution. Toutes ces cartes sont aujourd'hui sur la table. La grande muette ne réagit pas, ni dans un sens ni dans l'autre, devant toutes ces sollicitudes. Signe de neutralité ? Difficile à croire. Au milieu de ce brouillard épais, source de profonde inquiétude populaire, émerge un nouvel acteur. Il s'agit de la mobilisation citoyenne que l'on n'attendait pas après toutes ces années de peur, de larmes et de sang qui ont brisé les ressorts des luttes politiques et sociales dans le pays. Les actions pacifiques de rue qui s'invitent, pour la première fois, dans le débat politique de manière assumée et organisée dans le sillage de cette formidable machine de guerre et de mobilisation populaire que constituent les réseaux sociaux, peuvent-elles peser sur le cours des événements ? Certaines expériences arabes réussies ou qui sont sur la bonne voie dans leur marche vers la démocratie ont montré que le citoyen a toujours été et demeure le moteur-clé de l'histoire. Les partis politiques partageant les mêmes préoccupations sur la succession voient plutôt d'un bon œil le mouvement Barakat animé par ces «gavroches» algériens qui ne veulent pas rester en retrait de cette page décisive de l'histoire de leur pays qui est en train de s'écrire. C'est un bon signe. Faut-il y voir les prémices d'une large convergence transpartisane des forces démocratiques du changement, seule à même de changer les données de l'équation politique posée par la candidature de Bouteflika ?