Lorsque des questions de paix et de justice nous inquiètent, force est d'interroger notre conscience pour trouver une solution, du moins chercher une issue par le respect du droit, et quand celui-ci fait défaut, comme c'est apparemment le cas d'espèce, faire œuvre de bon sens au demeurant de l'évidence. En effet, depuis quelques mois, l'Algérie vit à une vitesse vertigineuse pour être au rendez-vous d'un but tant attendu du suffrage universel connu pour les uns et incertain pour les autres. Les événements s'intensifient au fur et à mesure qu'on s'approche de la date de l'échéance électorale prévue le 17 avril prochain qui a franchi déjà bien des étapes. La première étape a été celle du retrait du formulaire de candidature au siège du ministère de l'Intérieur où la présence personnelle du postulant n'est pas impérative, puisqu'il peut le faire par personne dûment mandatée. La seconde étape, bien pénible, est de collecter les signatures de 600 élus et de 60 000 électeurs émanant de 25 wilayas du pays pour pouvoir faire acte de candidature. Une fois le dossier complet, le postulant peut franchir le perron du Conseil constitutionnel pour l'enregistrer et enrôler son acte de candidature dans les délais prescrits du 4 mars 2014, passé ce délai aucune candidature ne peut être formulée. Bizarrement, juste avant la fin de la fermeture et de la clôture du registre du dépôt des candidatures, un candidat s'insurge pour la disparition du véhicule transportant ses parrainages dans l'enceinte même du Conseil constitutionnel, tant qu'il est vrai que ce n'est pas la première fois qu'un véhicule ou autre sont portés disparus de jour comme de nuit dans un établissement public ou judiciaire, ce qui n'a jamais empêché la justice de fonctionner. Ces faits sont sans incidence sur les autres dossiers soumis au Conseil constitutionnel, à moins de vouloir en faire une question préjudicielle qui échappe de prime à bord à la compétence du Conseil constitutionnel et de celle de son président. Le phénomène est quand même curieux et à moins d'une manipulation, car pour qu'un tel détournement puisse se passer en toute impunité, il faut croire que la sécurité fait défaut et que l'action publique est défaillante. Ceci prouve que le système n'a pas fonctionné et que le président du Conseil constitutionnel n'a pas la charge de l'action publique. Par contre, des candidats, dont nous ne citrons pas les noms par respect civique, (El Watan du 9 mars 2014) ont dénoncé les errements fallacieux de l'administration publique où le civisme est totalement absent pour les contraindre à des procédés qui relèvent du fait du prince que nous traduirons en algérien de pachadisme (les pachas de l'administration). Hormis ces considérations préliminaires citées pour illustrer l'importance du processus électoral qui n'altèrent en rien la compétence du Conseil constitutionnel inscrite dans l'article 163 de la Constitution en ces termes : «Il est institué un Conseil constitutionnel chargé de veiller au respect de la Constitution. Le Conseil constitutionnel veille, en outre, à la régularité des opérations de référendum, d'élection du président de la République et d'élections législatives. I1 proclame les résultats de ces opérations». Le Conseil constitutionnel est prévu dans les titres troisième chapitre 1 traitant «du contrôle et des institutions consultatives», ce qui l'exclut donc du champ du pouvoir judiciaire prévu au chapitre 3 dans le titre deuxième portant de l'organisation des pouvoirs. Cette particularité de la situation du Conseil constitutionnel dans le texte et le contexte de la Constitution nous conduit à nous demander s'il s'agit d'une juridiction quelle que soit sa dénomination, même suis-generis, ou bien, il est simplement un organe consultatif. La différence est de taille, car une juridiction rend des décisions de justice où les parties ont le droit d'accès aux procédures, aux débats et à la défense. Les quelques éléments qui permettent de déduire que le Conseil constitutionnel a des attributions juridictionnelles se trouvent dans les articles 168 et 169 de la Constitution où il est fait mention du mot juge pour ordonner dans le premier cas la non-ratification d'un traité non conforme à la Constitution, et dans le second cas, de rendre caduque toute disposition législative ou réglementaire inconstitutionnelle. Ces deux articles n'ont jamais été mis en œuvre, sinon du moins pour ce qui et de l'article 169, le droit algérien aurait fait l'économie des dispositions de certains, mais nombreuses lois est règlements qui constituent aujourd'hui l'apartheid législatif et règlementaire. Hormis ces deux cas où l'expression juge est mentionnée, il n'y a pas d'équivalent dans l'article 167 qui dispose que «le Conseil constitutionnel délibère à huis clos, son avis ou sa décision sont donnés dans les 20 jours qui suivent la date de la saisine». Les mots juge (article 168 et 169) avis et décision (article 167) ne sont pas synonymes. Or, en recevant les candidats individuellement, le président du Conseil constitutionnel constate de lui-même la présentabilité et la représentabilité du postulant dans son état physique, psychique et moral bien qu'il n'a pas à préjuger du sort juridique du candidat, puisque seul le Conseil constitutionnel délibère à huis clos pour donner soit un avis, soit une décision sur la recevabilité et le bien-fondé de telle ou telle candidature. En effet, suivant l'article 166 de la Constitution : «Le Conseil constitutionnel est saisi par le président de la République, le président de l'Assemblée populaire nationale ou le président du Conseil de la nation.» Par contre, suivant l'article 88 de la Constitution : «Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés propose à l'unanimité au Parlement de déclarer l'état d'empêchement.» Or, la spécificité du processus électoral algérien est que ce sont les candidats à la magistrature suprême qui saisissent eux-mêmes le conseil et individuellement. Le Conseil constitutionnel reçoit les dossiers avec toutes les pièces requises pour la validation, y compris la déclaration du patrimoine et le certificat médical. Cependant, l'article 88 susdit ne précise pas que le défaut du président du Conseil de la nation et du président de l'APN lui permet de s'autosaisir ou saisir de son propre chef le Conseil constitutionnel, ou sur la demande d'un certain nombre de citoyens et citoyennes conscients du devoir civique, ce qui aurait évité certainement toutes les spéculations fortuites et les manifestations troublantes. Le citoyen et la citoyenne sont les acteurs oubliés du droit d'accès aux organes de contrôle du suffrage universel, y compris le droit de saisir le Conseil constitutionnel. Maintenant, doit-on jeter l'anathème sur les institutions ou sur les hommes qui les dirigent, les administrent et les gèrent, alors que le mal réside exclusivement dans le système qui les a conçus pour qu'il n'y ait point de salut en dehors d'eux et que toute solution ne peut être trouvée qu'en son sein(1). Le Conseil constitutionnel ne fait pas d'exception à ce schéma. Outre le cas d'exception de l'article 88 de la Constitution, il est confronté à un paradoxe pour ne pas dire à un dilemme, de choisir entre l'opération objective à l'image de la Cour des comptes sans pouvoir d'opportunité et l'option subjective liant les formes et le fond, à l'image d'un tribunal prenant en considération la personnalité de chaque candidat où toutes les considérations seront exposées et discutées comme dans un tribunal. Doit-on se limiter à un jugement sur pièces ou craindre une élection de toutes pièces. Telle est la question pour paraphaser Shakespeare : «To be or not to be, that's the question». Y a-t-iI donc une issue qu'il faut espérer heureuse pour sortir de l'impasse et éviter le trou noir, car il y va de l'intérêt de toutes et de tous et du droit à la dignité citoyenne.