Première curiosité : on revient de Türkiye plus rapidement qu'en y allant ! Mais qu'on se rassure, cela n'a rien à voir avec un pressant désir de quitter le pays d'Atatürk. Bien au contraire ! Istanbul De notre envoyé spécial La différence dans la durée de vol à l'aller et au retour entre Alger et Istanbul explique le hasard de la rotation terrestre. «Au retour, le vol se fait dans le sens de cette rotation, ce qui réduit la distance entre les deux villes», indique Abdellah Amini, notre convoyeur. A l'arrivée, Istanbul se révèle envoûtante, à la mesure de sa dense histoire plongeant ses racines au plus loin de l'antiquité, de la mythologie et des fantasmes des Orientalistes. Ce n'est pas pour rien qu'elle est classée sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Le parcours concocté par Cherif, notre guide de l'agence Rotana, va à l'essentiel. Ses explications également : «Istanbul, c'est 15 millions d'habitants. Elle constitue la partie européenne de la Turquie, soit 3% du territoire national, dont les 97% s'étalent sur l'Asie mineure. La ville est reliée par des ponts jetés par-dessus la Corne d'or et le détroit du Bosphore qui lui apparie la mer de Marmara à la mer Noire.» Notre première destination est Fatih, le centre historique d'Istanbul, en passant par Axaray et Beyazit où fleurit le commerce en gros et au détail du vêtement, un lieu où l'on rencontre la plus grande concentration d'Algériens. Ce sont des trabendistes, dont certains louent à l'année des chambres dans des hôtels miteux. Ils sont là à l'affût de toutes les bonnes affaires que peuvent présenter les fluctuations du marché du vêtement. Nos compatriotes, adeptes de l'informel, ont même leur café à la devanture ornée du dessin de l'emblème national et qui porte un fantaisiste nom Al Pacino Café Algeria. A quelques encablures de là, à la pointe de la Corne d'or, apparaît la majestueuse Sultanahmet Camii dite la Mosquée Bleue en raison de la couleur des mosaïques qui ornent ses murs intérieurs. Face à elle, par-delà une immense esplanade, la place de l'hippodrome ou Atmeydani, se dresse Ayasophia, l'ex-basilique sainte Sophie. Après avoir été transformée en mosquée au XVe siècle, ce haut lieu du christianisme orthodoxe est transformé en 1934 en musée. Ces deux lieux sont les plus visités par les touristes. Nous avons de la chance, l'hiver étant, la cohue estivale n'y est pas, ce qui ne signifie pas que le secteur du tourisme chôme. Selon Cherif, en cette période creuse, les hôtels affichent tout de même 70% de taux de remplissage. On peut croire ses propos, sachant que les 14 millions de touristes dénombrés en 2003 en Turquie sont passés à près de 40 en 2013. Près de 11 d'entre eux sont passés par l'agglomération stambouliote. A cet égard, des sources officielles indiquent que l'investissement étatique en faveur du secteur touristique est passé en une décennie de 10 à 30 milliards de dollars. En contrepartie, pour la seule année 2013, la Turquie a engrangé 13,4 milliards de dollars de recette au titre du tourisme. Et si l'on doute de la réalité des chiffres, pour être détrompé, on a qu'à lever la tête vers le ciel pour constater toutes les 30 secondes le passage d'un gros porteur. De ce fait, la Turquie a conquis la 6e destination touristique au monde. Nouvelle étape de notre périple : Miniatürk. C'est l'un des plus grands parcs miniatures au monde, situé sur la rive nord-est de la Corne d'or. On y retrouve son âme d'enfant à s'étonner des 105 maquettes au 1/25e, plus vraies que nature, des plus importants sites et monuments anciens et nouveaux de la Turquie. En somme, une visite du pays à moindre frais et en peu de temps sur un espace de 56 ha. Longs moments d'enchantement puis une autre destination, de l'autre côté de la Corne d'or, celle de l'incontournable colline Pierre Loti, une des sept et où Istanbul est construite. Cette butte donne une vue imprenable sur la Corne d'or, un bras du Bosphore qui se termine en cul-de-sac et qui coupe en deux le centre historique d'Istanbul. C'est là que Pierre Loti s'installait en contemplation devant un des panoramas les plus prenants de la cité. Flaubert, Nerval, qui ont eux aussi dit leur fascination pour la Turquie, n'ont pas eu droit de cité. C'est que Loti, lui, a été un turcophile militant. Des milliers de mètres cubes d'eau sont journellement pompés de la mer Noire pour revivifier les eaux à l'extrémité de la Corne d'or et prévenir les miasmes qu'elles dégageaient auparavant. Jadis également, Istanbul n'était pas une ville. C'est Atatürk qui la forma en 1930 en réunifiant quatre villes et villages avoisinants et lui donna son nom, celui d'un des plus anciens quartiers de Constantinople. Deux autres haltes complètent notre séjour stambouliote : le marché égyptien et caddesi istiklal. Misir çarsisi est un typique bazar à l'ancienne, datant de 1663, conforme à l'imaginaire orientaliste. Plusieurs explications sont données sur l'origine du qualificatif «masri» qui lui est accolé. Deux d'entre les multiples versions avancent soit qu'il lui vient du fait que les cargaisons d'épices qui lui étaient livrées venaient via les ports d'Egypte, soit qu'il a été construit avec les impôts prélevés au Caire. Enfin, pour ce qui est de l'avenue de l'Indépendance, une rue pédestre de près de 3 km, c'est l'un des lieux qui font le plus l'actualité politique de la Turquie. C'est sur la petite placette Galatassaray, à son extrémité, que se forment les cortèges qui empruntent son parcours pour aboutir sur la fameuse place Taksim. Dans la rue, un camion antiémeute, doté d'un canon lance-eau, est en stationnement. La veille, une manifestation pour protester contre des mesures liberticides dans l'usage de l'internet. Mais Caddesi istiklal, c'est aussi un haut lieu de convivialité. Un monde fou s'y bouscule jusque tard la nuit, attiré par les boutiques en tous genres, les librairies, les galeries d'art, les cinémas, les théâtres et les restaurants. Des musiciens installés sur les bords jouent des complaintes ou des musiques endiablées entraînant dans la danse les passants pour quelques menues monnaies. Enfin, on ne pouvait quitter Stanboul sans un dîner croisière sur le Bosphore, un dîner agrémenté par un orchestre d'ambiance et suivi d'un spectacle présentant les diverses facettes du folklore du pays, des tours de magie, des clowneries avec en prime une danse du ventre. Inutile de préciser que comme l'assistance, nous étions éberlués devant les évolutions lascives d'une houri, dont le généreusement dénudé costume pourpre valorisait les charmes.