L'odyssée de l'espèce des premiers hominidés qui déchiquetaient la viande à coups de silex à peine dégrossi, jusqu'aux derniers chasseurs cueilleurs maghrébins qui chassaient l'auroch et les antilopes, l'Algérie est riche d'une multitude de sites où l'on peut suivre la fabuleuse évolution de l'homme à travers la préhistoire. C'est au CNRPAH (Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques) que nous nous sommes rendus pour en savoir un peu plus sur la préhistoire telle qu'elle s'est déroulée sous nos latitudes. Souhila Merzoug, paléontologue, et Iddir Smaïl, préhistorien, sont nos guides. Suivons-les à travers grottes et savanes sur les traces de ces énigmatiques et lointains ancêtres. Si l'on devait commencer par un endroit emblématique, ce serait par Aïn El Hanech. Une petite bourgade sise à une trentaine de kilomètres de Sétif. C'est peu dire que le site est considéré comme l'un des plus anciens gisements archéologiques du monde. Depuis sa découverte en 1945, il a déjà livré des vestiges lithiques datant de 1,8 million d'années. Aïn El Hanech a révélé la présence de grosses faunes mais, hélas, pas encore d'ossements humains. Les chercheurs ne désespèrent pas de mettre un jour la main sur un bout de tibia ou de mâchoire de ce lointain ancêtre qui est un hominidé probablement de type Homo Habilis. Un hominidé ? C'est-à-dire qu'il est à mi-chemin entre l'homme et l'animal. Ce chasseur, occasionnellement charognard, vivait sur les bords d'un lac aujourd'hui disparu, au milieu d'animaux de grande taille, ancêtres d'éléphants, de zèbres, d'ânes et de rhinocéros, qui constituaient son garde-manger. Il fabriquait des tranchants, des pointes et des outils assez rudimentaires comme des galets aménagés et des boules pour casser les os et extraire la moelle. Il y a peu de sites d'habitation, car cet Homo Habilis habitait probablement des huttes de branchages dans un paysage de savanes et de plaines. Laissons notre Homo Habilis à ses chasses préhistoriques pour avancer un peu plus dans le temps et un peu plus vers l'ouest. Pour connaître le prochain épisode du feuilleton, il faut se rendre à Tighennif, dans la wilaya de Mascara. Tighennif est un site datant de – 800 000 à – 700 000 qui a déjà livré des ossements humains qui permettent de définir Homo ergaster ou l'Atlanthropus mauritanicus. Derrière ce nom à coucher dehors, un hominidé de type Homo erectus, celui qui se tient debout. Il a un cerveau beaucoup plus petit que celui de l'homme moderne et une mâchoire plus puissante. «Cet Homo erectus annonce le sapiens. Il a déjà une boîte crânienne plus grande, la dextérité et la bipédie», analyse Souhila Merzoug, paléontologue au CNRPAH. Pendant des millénaires, notre sympathique Atlanthropus va se promener à travers toute l'Afrique du Nord. Le voyage se poursuit. Prochaine étape : Tébessa. A Bir El Ater plus exactement, sur les traces des Homo sapiens archaïques. C'est le paléolithique moyen qui va durer de – 50 000 à – 25 000. L'ancêtre maghrébin vivait dans des abris sous roches et des grottes. Il faut ensuite se rendre à Afalou, Bou Rhummel, à Melbou, une petite commune côtière de la wilaya de Béjaïa pour faire connaissance avec l'homme d'Afalou. C'est notre Cro-Magnon à nous, que l'on désigne également sous le nom d'ibéromaurusien. «Ibero» pour la péninsule ibérique, et «maurusien» pour les Maures de Maurétanie telle que l'on désignait l'Afrique du Nord il y a longtemps. C'est le paléolithique supérieur. C'est-à-dire – 20 000 ans. C'est une culture qui s'est répandue dans tout le nord de l'Afrique entre -20 000 et – 10 000 ans, nous apprennent nos deux guides, Iddir Smaïl, préhistorien, et Souhila Merzoug, paléontologue. Il y a également le site de La Mouillah, à Tlemcen. Notre vénérable ancêtre est un chasseur-cueilleur qui pratique une chasse spécifique et la gestion des troupeaux, donc assez intelligent pour choisir comme cibles les adultes et épargner les petits et les femelles. Il est désormais un artiste accompli qui s'exprime symboliquement par la peinture corporelle ou la sculpture. Il enterre ses morts avec des rituels et dispose certains objets, des statuettes en terre cuite, auprès des sépultures. Il croit probablement à une vie après la mort. Il fabrique des parures et pratique également la coloration de certains squelettes, signe d'une connaissance poussée de certaines matières. Sur les bords de mer ou de lac, on retrouve toute une paléo-industrie. Des hameçons pour pêcher le poisson, des aiguilles en os pour coudre des vêtements en peaux et des grattoirs pour travailler les peaux de bêtes. A partir de – 10 000 ans, nous rentrons dans le capsien, la fameuse période des escargotières. Nous sommes en présence des proto-méditerranéens, des Homo sapiens anatomiquement modernes. Ils consommaient beaucoup de mollusques et d'escargots dont ils faisaient la collecte systématique. Ce sont les derniers chasseurs cueilleurs maghrébins à l'apogée de l'art. Les hommes ont une connaissance approfondie de leurs territoires, des pratiques médicinales comme la trépanation, des rituels funéraires et vivent dans une société organisée. Le rang social apparaît. Les signes annonciateurs du néolithique sont là.